Donner corps au Verbe. Les images de l'Annonciation au Moyen Âge central.
Résumé
Dans l'Évangile de Luc, les silences qui jalonnent le court récit de l'Annonciation (Lc 1, 26-38) évoquent la puissance du Mystère de l'Incarnation. Le dialogue entre Marie et Gabriel se clôt sur les mots de la Vierge : " Qu'il advienne selon ton Verbe ". Luc termine alors son récit par cette phrase : " et l'Ange la quitta ". Associés au verset de Jean (Jn 1, 14), " Et le Verbe s'est fait chair ", les mots de Luc évoquent le Mystère absolu de l'Incarnation. L'Incarnation est la théophanie par excellence, l'indice d'une réalité invisible. Dès lors, le contenu sémantique de l'Annonciation ne peut se réduire à son seul événement narratif. L'Annonciation est une Révélation et une manifestation du divin dans le sensible. Les mots des Évangiles conditionnent, en effet, la visibilité de Dieu : le Christ étant l'image incarnée et vivante de Dieu, l'image matérielle est alors la preuve de l'Incarnation, une preuve qui rend incontournable la réflexion sur la représentation et l'expression du divin. Si, aujourd'hui, l'importance du dogme de l'Incarnation n'est plus à démontrer pour les images, la représentation de l'Annonciation doit sans doute être reconsidérée et appréhendée comme un enjeu crucial de la figuration car elle articule une partie de la réflexion esthétique et théologique sur " les modalités de mise en visibilité du Verbe ". Pour dépasser les limites de l'image, les concepteurs ont en effet cherché des procédés, des solutions plastiques capables de mettre en scène l'inatteignable Mystère et d'en signifier l'essence, la substance spirituelle. L'inventivité dont les concepteurs d'images font preuve pour représenter l'Annonciation reflète le désir de voir, émanant de " la nostalgie " de l'Incarnation et de l'Épiphanie, et vise à compléter les lacunes de l'Écriture.