Cinéma et histoire. La mosquée de Paris et les Juifs sous l'Occupation - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Archives Juives Année : 2012

Cinéma et histoire. La mosquée de Paris et les Juifs sous l'Occupation

Jean Laloum
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 831231

Résumé

Le film d'Ismaël Ferroukhi, Les Hommes libres, est un beau film plein d'humanité, mettant en scène dans le Paris occupé de 1942, nombre d'acteurs gravitant autour de la mosquée de Paris : les autorités d'occupation, des personnalités du régime de Vichy mais également des militants algériens surveillés par la police, certains traqués, ainsi que des familles et des enfants juifs soustraits aux rafles et arrestations. Afin de pallier le petit nombre de documents collectés, le réalisateur a fait le choix de conjuguer fiction et sources historiques dans l'écriture du scénario. D'entrée de jeu, le spectateur est prévenu du mélange des genres, mais pas de leur part respective. Au cœur de l'intrigue, le " planquage " d'enfants juifs dans la mosquée-même ainsi que le subterfuge utilisé pour soustraire le chanteur juif natif d'Algérie, Simon - alias Salim - Halali aux desseins allemands et vichystes. La délivrance de faux papiers pour les uns, l'inscription apocryphe du nom du père du chanteur bônois sur une pierre tombale du cimetière musulman de Bobigny pour l'autre, parviennent à contrecarrer le sort funeste qui leur était réservé. À chaque fois, les initiatives et les décisions du directeur de la mosquée de Paris, Si Kaddour Ben Ghabrit sont déterminantes. Sa mansuétude et son empathie emplissent véritablement l'écran : " ces enfants sont nos enfants ! ", c'est en ces termes qu'il prend la décision de mettre à l'abri dans les sous-sols labyrinthiques du bâtiment deux enfants juifs dont les parents viennent tout juste d'être arrêtés. Si, en apparence, les contacts avec les autorités allemandes sont noués sous les meilleurs auspices, celles-ci suspectent la collusion et enquêtent dans le lieu de culte. Ainsi, dès le 24 septembre 1940, bien avant la création du commissariat général aux Questions juives (CGQJ), Vichy est prévenu des possibles agissements de la Mosquée de Paris : " Les autorités d'occupation, révèle une note interne au ministère des Affaires étrangères, soupçonnent le personnel de la mosquée de Paris de délivrer frauduleusement à des individus de race juive des certificats attestant que les intéressés sont de confession musulmane. L'imam a été sommé, de façon comminatoire, d'avoir à rompre avec toute pratique de ce genre. Il semble, en effet, que nombre d'israélites recourent à des manœuvres de toute espèce pour dissimuler leur identité. " En mai 1942, les services de renseignement rapportent en effet que " S.E. Si Kaddour Ben Ghabrit [en tournée à Constantine] a déclaré [...] qu'à Paris plusieurs juifs lui avaient demandé de se convertir à l'Islam. Si Kaddour leur a répondu qu'il suffisait de prononcer la chahada [témoignage de foi]. On ne sait, conclut-il, si ces juifs ont mis leurs projets à exécution. " Quelles institutions furent à l'initiative de la délivrance de faux certificats ? Quels furent les moyens de contrôle mis en place par les services de Vichy en vue de déjouer ces pratiques ? Que penser de l'attitude prêtée au directeur de la Mosquée de Paris à partir d'un nombre réduit d'indices ? Son rôle, à la lumière d'autres archives, semble plus ambigu qu'il ne ressort du film.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-00704702 , version 1 (06-06-2012)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00704702 , version 1

Citer

Jean Laloum. Cinéma et histoire. La mosquée de Paris et les Juifs sous l'Occupation : Archives Juives. Revue d'histoire des Juifs de France. Archives Juives, 2012, 45/1, pp.116-128. ⟨halshs-00704702⟩
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