L'innovation en mode pluriel et relatif
Résumé
Le discours politique et institutionnel sur les programmes éducatifs recourt souvent à la sémantique de l'innovation. Le domaine de l'éducation artistique et culturelle, produit d'un dialogue entre les ministères de l'éducation et de la culture depuis 4 à 5 décennies, démultiplie ce recours : 1) par la présence de l'art et de la culture, qui alimentent discours et pensées de références à la "création" (des artistes) et à la "créativité" (des enfants) ; 2) du fait d'un système éducatif prompt à produire des "innovations pédagogiques" et faisant appel à l'"inventivité" des enseignants. S'appuyant sur un travail de terrain depuis 2004 sur un dispositif dit de "résidences d'artistes en école maternelle" impulsé par la Ville de Lyon et couronné d'un "partenariat" avec des institutions locales et nationales, cet article traite de la pluralité des références à l'innovation, à partir du constat d'une appropriation diversifiée du dispositif, et ce, à travers trois registres : quand l'innovation réfère à l'inédit ; quand elle réfère aux changements professionnels ; quand elle réfère à la résolution de situations problématiques par les acteurs locaux. L'article insiste également sur la résistance à l'innovation, qui est résistance au travail en "partenariat", en "réseau", en "projet", et qui témoigne autant de la défense d'une permanence identitaire professionnelle que de transformations dans l'institution scolaire ne facilitant pas la réflexivité professionnelle. Enfin, est interrogé le positionnement du chercheur dans un tel contexte, dès lors qu'il n'est pas rare que nombre d'acteurs attendent de lui un discours univoque sur les effets "innovants" du dispositif.