Résumé : Décidée en 1879, l'ouverture du cimetière de Friedrichsfelde à Berlin s'inscrit dans une politique municipale d'aménagement urbain: le cimetière est conçu à la fois comme un parc d'agrément et comme un lieu d'inhumation de toutes les catégories de citoyens. Accueillant ainsi de nombreux déshérités, il est rapidement assimilé à un " cimetière de pauvres ". L'enterrement de Wilhelm Liebknecht en 1900 puis celui des spartakistes en 1919 lui valent le qualificatif de " cimetière socialiste ". Malgré cette estampille durable, ce lieu cristallise de multiples usages qui se déclinent selon l'échelle espace-temps: cérémonie funéraire et commémoration politique, cortège populaire et rituel orchestré par l'appareil des partis. À partir de l'analyse des pratiques collectives qui se sont relayées à Friedrichsfelde, cet article se propose de décrypter les phénomènes à l'œuvre dans la construction d'un espace comme vecteur de mémoire.