"Taphonomie des petits vertébrés: référentiels et transferts aux fossiles" Introduction - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2011

"Taphonomie des petits vertébrés: référentiels et transferts aux fossiles" Introduction

Résumé

Les petits vertébrés dont le poids est inférieur à 10kg, qu'il s'agisse de Poissons, Amphibiens, Reptiles, Oiseaux ou Mammifères, constituent plus de 80% de la biodiversité de ces groupes taxinomiques. Leurs vestiges sont fréquemment identifiés dans les ensembles osseux fossiles des sites archéologiques et paléontologiques et leur étude fait appel à de nombreux experts qui n'ont pas souvent l'occasion de se rencontrer. Ces restes de petits animaux sont utiles à la connaissance de l'histoire évolutive des faunes, à la reconstitution des paléoenvironnements, à l'établissement de biochronologies et/ou à la connaissance de la subsistance des populations humaines. Ils peuvent s'accumuler en grandes quantités, ce qui en fait un matériel unique. Cependant, eu égard à la variété d'agents et de processus susceptibles de les accumuler et de les modifier après leur dépôt, il est essentiel, préalablement à leur interprétation en ces termes, d'appréhender précisément leur histoire taphonomique. La taphonomie est une branche de la paléontologie qui a pour objectif d'étudier les lois de l'enfouissement depuis la mort d'un animal jusqu'à sa découverte comme archive fossile. Elle s'intéresse aux processus de concentration et de dispersion des accumulations, à leur mode de formation et à leur signification en termes de représentativité des faunes et d'environnements passés. Cette discipline, récemment introduite en France, suscite de nouvelles recherches et nécessitait d'être structurée pour devenir plus visible dans le paysage français de la recherche. Le Réseau Thématique Pluridisciplinaire "Taphonomie" (2007-2009, InEE, CNRS), coordonné par J.-P. Brugal, offrait ce cadre de travail. Il est apparu important d'organiser une rencontre spécifique sur le thème des petits vertébrés. Cela s'est concrétisé par l'organisation, les 20 et 21 octobre 2009, sur le Campus de Talence à l'Université Bordeaux 1, de la table ronde "Taphonomie des petits vertébrés: référentiels et transferts aux fossiles", puis par la parution de cet ouvrage. Cette table ronde avait pour objectif de proposer un état des lieux des travaux visant à déterminer l'origine et l'évolution des accumulations de restes de petits vertébrés quels qu'ils soient, depuis la mort des individus jusqu'à leur étude. Elle se proposait de favoriser la mise en commun et la diffusion des référentiels actualistes, de discuter des outils analytiques et de leurs limites d'application au travers d'exemples issus du domaine fossile. En réunissant une grande partie des acteurs nationaux en la matière ainsi que des collègues d'Espagne, de Suisse et outre-Atlantique, il s'agissait aussi d'identifier les lacunes, les voies de recherche et les collaborations à développer dans ce domaine. Cette manifestation, qui représente la première réunion scientifique organisée en France sur le sujet, a réuni paléontologues, paléoenvironnementalistes et archéozoologues. Cet évènement a rassemblé 25 orateurs et une quinzaine d'auditeurs libres. Vingt deux communications ont été présentées sous la forme de synthèses, d'études de cas, de projets en cours ou de réflexions méthodologiques(1). La majorité de ces présentations a concerné la classe des Mammifères (micro- et méso-) puis, dans une moindre mesure, celles des Poissons, Reptiles, Amphibiens et Oiseaux. Les discussions qui suivirent furent animées et stimulantes surtout en ce qui concerne la méthodologie et les objectifs des travaux en taphonomie. Quinze exposés ont donné lieu à autant d'articles qui sont rassemblés dans cet ouvrage. Plusieurs synthèses sont proposées. C. Denys fournit un état des lieux des référentiels existant sur la taphonomie des petits vertébrés. E. Stoetzel et C. Denys se focalisent sur les travaux de néo- et paléotaphonomie menés en Afrique du Nord sur les microvertébrés. S. Bailon présente, quant à lui, un état de l'art sur les travaux intéressant les amphibiens et les reptiles squamates. Ces contributions soulignent le manque de données néotaphonomiques tant sur les questions abordant la prédation que sur les phénomènes post-dépositionnels. J.-B. Mallye expose les caractéristiques propres aux différents types d'accumulation de restes de blaireaux en croisant les données actuelles et l'analyse de séries fossiles. De nouveaux référentiels actualistes sont mis à disposition de la communauté. A. Sanchiz Serra et collaborateurs présentent un assemblage original, issu de deux "grottes-fenêtres" en Espagne, vraisemblablement accumulé par le Vautour percnoptère. H. Monchot et D. Gendron développent les caractéristiques d'une collection d'os d'oiseaux accumulée par le Renard roux en milieu périglaciaire. J.-C. Castel et ses collaborateurs décrivent trois accumulations modernes constituées par des petits carnivores et discutent les implications archéologiques. A. Val et J.-B. Mallye examinent les résultats d'une approche expérimentale sur les effets de la maille du tamis sur la représentation anatomique des petits animaux à fourrure et les conséquences sur l'interprétation du registre fossile. Des études de cas, qui se fondent sur des approches méthodologiques plus ou moins originales, composent également cet ouvrage. E. Desclaux et ses collaborateurs proposent une synthèse des résultats d'analyses taphonomiques de sept gisements du Pléistocène moyen et supérieur d'Europe méridionale. M. Rillardon développe une étude taphonomique détaillée pour résoudre l'origine de trois accumulations de Lapin provenant de gisements épipaléolithiques du Languedoc. I. Gay s'interroge sur le rôle du Grand-duc dans l'accumulation de Lièvre variable de l'Abri Jean-Pierre 1. Deux contributions traitent spécifiquement des restes de poissons trouvés en contexte archéologiques. S. Cravinho, propose un référentiel ostéométrique pour aider à la quantification des vestiges ichtyofauniques du Pont-d'Ambon qui peut contribuer à l'analyse taphonomique. O. Le Gall discute, à travers deux cas d'étude, de l'utilisation de la taille des individus pour aider à l'interprétation des accumulations de restes de poissons en contexte paléolithique. D. Rambaud et ses collaborateurs tentent une analyse croisée et multicritère des restes ichtyofauniques et avifauniques du Taillis des Coteaux afin de déterminer le(s) prédateur(s) responsable(s) de leur présence sur le site. Enfin, A. Royer et ses collaborateurs se questionnent sur l'origine des brûlures observées sur les vestiges de tortues de l'abri du Mourre de Sève. Quelques évidences sont apparues à l'écoute des communications et des discussions qui ont suivi ainsi qu'à la lecture des différentes contributions. Certes, notre connaissance des référentiels néotaphonomiques est défectueuse et lacunaire, mais le peu qui existe est utile. Il nous faut repenser les modes d'acquisition des référentiels et les standardiser dans la mesure du possible. Les diverses classes et ordres de petits vertébrés, proies et/ou prédateurs, y sont inégalement documentés; les travaux concernant les effets de la prédation des rapaces sur les mammifères ne trouvent pas réellement d'équivalent pour les oiseaux, poissons, amphibiens ou reptiles. De plus, les référentiels actuels apparaissent globalement trop peu nombreux pour saisir la variabilité des modifications résultant de l'activité des prédateurs. De fait, la question de leur valeur pour l'interprétation du registre fossile se pose. Ainsi, l'acquisition de nouvelles données actualistes, contrôlées, est nécessaire pour une meilleure interprétation des ensembles osseux de petits vertébrés. À ce titre, de nombreux référentiels existant restent d'usage plus ou moins privé; leur mise à disposition par publication, réseau d'échange, base de données collaboratives, serait donc souhaitable pour le développement des connaissances. Concernant le "transfert au fossile", on remarque une diversité des approches mises en oeuvre, (signe d'une discipline encore jeune ?) et le peu d'étude portant réellement sur la digestion et les altérations postprédation. Les archéozoologues recherchent prioritairement à distinguer ce qui relève des activités humaines de ce qui n'en relève pas. Ils se soucient moins de l'identité précise du prédateur à la différence des paléobiologistes, paléoenvironnementalistes et des taphonomistes sensu stricto. Pourtant les archéologues devraient s'intéresser à tout ce qui peut permettre de préciser et définir le paléoenvironnement; l'approche taphonomique, incluant la recherche du prédateur, est donc utile pour cet aspect. Il est rappelé que les outils analytiques communément utilisés pour la reconstitution de l'histoire taphonomique d'une accumulation osseuse n'ont pas tous la même valeur diagnostique. Pour pallier cette difficulté, il est recommandé d'employer un faisceau d'indices. Le critère "taille des proies", constitue une piste pour comprendre la prédation mais il faut vérifier la limite physiologique du prédateur et son comportement d'ingestion, dépeçage etc... Le manque de prise en considération des données sur le sédiment entourant les vestiges ou sur le contexte représente une lacune méthodologique. Un autre problème est posé par le manque d'étude sur la conservation différentielle inter-spécifique, intra-spécifique, ou selon le type et l'intensité des modifications occasionnées par la prédation sur les ossements. Là encore, des référentiels taphonomiques pourraient être développés. Le paradoxe suivant est souligné: si les données éthologiques relatives au régime alimentaire des rapaces fournissent des spectres fauniques où figure la part des différentes proies, il n'en est pas de même des référentiels taphonomiques, souvent spécialisés sur une classe de petits vertébrés, et encore moins des analyses plus globales des ensembles paléontologiques et archéologiques. Par exemple, la mésofaune qui peut être accumulée par les mêmes prédateurs que la microfaune est souvent traitée indépendamment, ce qui peut conduire à des mésinterprétations. De même, ne considérer qu'un groupe taxonomique peut aussi générer des interprétations erronées sur l'origine de l'accumulation. La spécialisation des acteurs, nécessaire à un certain niveau de l'analyse pour l'acquisition de données fines de la taxonomie et de la biostratigraphie, devrait être compensée par des associations ultérieures de compétences dans le but d'exploiter au mieux les données paléoenvironnementales tirées de l'analyse taphonomique et paléoécologique à l'échelle des communautés de petits vertébrés. Nous espérons que ces divers constats et propositions constitueront le terreau de réflexions et de recherches à venir sur cette thématique en développement. On ne saurait terminer cette introduction sans renouveler nos remerciements aux participants à cette première rencontre et aux organismes financeurs: le RTP taphonomie (CNRS InEE), la Région Aquitaine via le projet "Transitions", le Muséum national d'Histoire naturelle de Paris et le RHOI (programme NSF -"Taphonomy working group"). Nous souhaitons également remercier Yvette Barnier (UMR 6636-LAMPEA), Jean-François Caro, Sylvie Djian et Françoise Lagarde (UMR 5199-PACEA) pour le soutien logistique apporté lors de la préparation de la manifestation; Myriam Boudadi-Maligne et Solange Rigaud (PACEA), qui se détournèrent un instant de leurs thèses pour accueillir les participants à la table ronde; Jean-Philip Brugal (LAMPEA), Marc Cheylan (UMR 5175 CEFE) et David Cochard (Archéosphère/PACEA) pour l'aide qu'ils ont apportée lors de la relecture des manuscrits; enfin un immense merci à Michèle Charuel (PACEA) pour la relecture finale de ce volume.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-00650232 , version 1 (09-12-2011)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00650232 , version 1

Citer

Christiane Denys, Véronique Laroulandie, Jean-Baptiste Mallye. "Taphonomie des petits vertébrés: référentiels et transferts aux fossiles" Introduction. Taphonomie des petits vertébrés: Référentiels et transferts aux fossiles, Oct 2009, Talence, France. pp.2-5. ⟨halshs-00650232⟩

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