Brecht et Platon : le théâtre comme révolution - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2012

Brecht et Platon : le théâtre comme révolution

Résumé

Leszek Brogowski Leszek Brogowski Brecht and Plato: Theatre as Revolution. The Effect of Alienation and Repetition Would we be able to think about staging—or stage—a revolution as an event connected with the revolutionary process itself, rather than as a theatrical performance, repeatable and repeated every evening? In his attempt to answer the question, Leszek Brogowski wrote an article for the Brecht symposium in Rennes in 2010. In fact, the question is of going beyond the content of the dramatic presentation of revolutionary history because Brecht himself was interested in theater. Even Saint-Just was aware of the necessity to add to social revolution, aimed at creating a just society, an element of transformation of consciousness (revolution of consciousness). This kind of revolution is irreversible: when we realize something, we are not able to go back, therefore we cannot behave as if it had no place, as if we still lived in ignorance. Unless we accept the hypocrisy and conformism. Participation of modern art in revolutionary processes is based on provoking this kind of ‘revolution of consciousness’. Leszek Brogowski defends Brecht’s intuition because he is aware that Brecht thought of Platonic reflection on theater. Plato did not condemn art, as is often written— he only condemned certain artistic ‘ways’. His criticism of theater ncludes identifying the unique experience that defies poetic and theatrical mimesis (imitation), namely: thoughts. Imitation of thought is not a thought . Plato believed that the weakness of the Greek theatre was connected with that factor and Brecht’s criticism contributes to strengthening of Plato’s criticism. Brecht said many times that that on-lookers’ identification with the characters of the play can no longer serve as an aesthetic principle of theater. In order to o arouse thought and encourage to act, theater must use more and more stimuli which interfere with, delay or even prevent this type of aesthetic identification and form critical distance between audience and stage. Brecht described all theatrical elements which are connected with critical attitudes in his theory of Verfremdung or ‘alienation effect’. In his own theatrical productions, he used, for example, banners as parts of dramatic actions and also as props in workers’ street demonstrations. Brechtian model of critical distancing leading to a revolution of consciousness is in opposition to both mimesis and catharsis. Brecht often used the idea when he spoke against the bourgeois theater, which to this day still overwhelms us. Brecht believed that successful theatrical performance, an adequate staging of dramatic action, relied on the advent of a new social order. Based on three examples: 1. sensu stricto revolutionary event, namely, the funeral of Marat, 2. the staging of Zola’s Germinal at the Châtelet Theater in Paris in 1885 by William Busnach and 3. the premiere of Brecht’s Mother, Leszek Brogowski analyzed the complex set of questions connected with theater and its role in formation of critical attitudes (transformation of consciousness), sovereign thinking and revolutionary processes. Brogowski tried to identify both the barriers of aesthetic theory and difficult problems connected with Brecht’s own theatrical experience. In conclusion, Brogowski offered a surprising solution: he wrote that scientific character of Brecht’s Verfremdung theory should be revindicated as the starting point of further discussion on the subject. Leszek Brogowski’s article entitled Brecht et Plato: théâtre comme révolution. Défamiliarisation vs . répétition was published with some cuts in La Révolution mise en scène edited by F. Maier-Schaeffer, Ch. Page and C. Vaissié, Rennes, PUR, a series of Le spectaculaire, 2012 , p. 241–254. The ‘Dyskurs’ magazine publishes the article based on kind permission of the editors.
Est-il possible de penser la « révolution mise en scène » comme un événement du « processus révolutionnaire » lui-même, et non pas comme une représentation théâtrale répétitive et répétée ? Telle est la question à laquelle tâche de répondre cet article, écrit pour le colloque consacré à Bertolt Brecht, « La Révolution mise en scène », en posant la problématique qui dépasse le seul contenu dramatique de l’écriture théâtrale de l’histoire révolutionnaire. Tel semble en effet être l’objet des recherches théâtrales de Brecht. Saint-Just était déjà conscient de la nécessité de compléter la révolution sociale, qui vise l’avènement d’une société juste, par une révolution dans la conscience. Une telle révolution est en effet la plus irréversible de toutes : la prise de conscience ne permet pas de faire comme si l’on ne comprenait toujours pas ou comme si l’on ne savait pas… sinon en acceptant le mensonge ou le conformisme. La participation de l’art moderne au processus révolutionnaire consisterait donc à produire cette prise de conscience. L’article défend le choix que fait Brecht de recourir à la réflexion platonicienne sur le théâtre. Brecht comprend que Platon ne condamne pas l’art, mais seulement une certaine façon de le pratiquer. Sa critique platonicienne du théâtre est fondée sur le repérage de l’unique expérience qui se dérobe à la mimésis poétique ou théâtrale, à savoir la pensée. Imitée, la pensée n’en est plus une. C’est là la faiblesse du théâtre pointée par Platon ; Brecht approfondit cette critique. Il ne cesse de répéter que l’identification imaginaire du spectateur avec les person-nages du spectacle est en crise en tant que principe esthétique du théâtre. Pour susciter de la pensée et inciter à l’action, le théâtre doit multiplier les dispositifs qui troublent, retardent, voire empêchent une telle identification, et instaurent une distance, éventuellement critique, entre le spectateur et la pièce. L’attitude critique « consiste, s’agissant […] de la société, à faire la révolution », déclare Brecht. L’ensemble des éléments du théâtre qui suscitent l’attitude critique reçoit chez Brecht la forme de la théorie de Verfremdung, « effet de distanciation » ou de défamiliarisation. Elle est mise en œuvre dans ses propres réalisations, par exemple sous la forme de bandero-les qui participent de l’action, tout comme elles font partie des manifestations d’ouvriers dans la rue. Le modèle brechtien de la défamiliarisation critique, qui propose un dispositif visant une prise de conscience – une révolution « dans les têtes » –, s’oppose donc aussi bien à la mimèsis qu’à la catharsis, et surtout, comme Brecht le répète souvent, au théâtre bourgeois, dont nous sommes toujours encore accablés. La réussite théâtrale, dénouement de la pièce, ce serait pour Brecht, tout au contraire du théâtre bourgeois, l’instauration d’un nouvel ordre social. En s’appuyant sur trois exemples d’événements révolutionnaires sensu stricto : les funérailles de Marat, la mise en scène de Germinal d’Émile Zola au théâtre du Châtelet en 1885 par William Busnach et la première de La Mère de Brecht, l’article se propose d’analyser un ensemble de questions relatives au rapport que le théâtre pourrait instaurer entre l’attitude critique, la prise de conscience, l’autonomie de la pensée et la révolution, en tâchant de pointer à la fois les obstacles construits par la théorie esthétique et les difficultés sur lesquelles butait la pratique théâtrale brechtienne elle-même, et il avance dans ses conclusions une solution qui tient compte notamment de la revendication par le dramaturge de la scientificité et de sa théorie de la défamiliarisation.
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halshs-00624787 , version 1 (17-07-2017)

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  • HAL Id : halshs-00624787 , version 1

Citer

Leszek Brogowski. Brecht et Platon : le théâtre comme révolution : Défamiliarisation vs répétition. F. Maier-Schaeffer, Ch. Page, C. Vaissié. La révolution mise en scène, Presses universitaires de Rennes, pp.241-254, 2012, La révolution mise en scène, 978-2-7535-1981-7. ⟨halshs-00624787⟩
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