Résumé : En 2005, des débats philosophiques ont animé la presse française sur le brouillage des frontières entre catastrophes naturelles et morales, conséquence de l'accumulation des désastres1. Ce "catastrophisme généralisé" intégrait, sous un même cadre interprétatif, des événements aussi différents que les attentats du 11 septembre 2001, la crise sanitaire liée à la canicule d'août 2003 et le tsunami de décembre 2004. Nous sommes donc partis de cette idée et avons fait l'hypothèse, qu'en dépit de leurs différences intrinsèques2, un lien existait, dans la médiatisation de ces trois événements, par la mise en scène commune de la souffrance. Le quotidien rassurant est détourné : des avions civils en missiles, des plages paradisiaques en lieux de mort, la chaleur estivale en arme mortelle. L'événement est lu sous le prisme du désordre social et favorise, ainsi, l'usage des affects pour le représenter. Lexicalement, l'émotion exprime une réaction non réfléchie face à un trouble extérieur. Au niveau physiologique, ce trouble appelle une régulation viscérale et cardiovasculaire. Ce mécanisme peut être transposé à l'échelle sociale. Face à un événement perturbateur, le journaliste organise un récit portant des traces discursives affectives (par l'usage d'un vocabulaire transparent : tristesse, joie, douleur, etc.) ou chargées socialement (mort, violence, terrorisme). L'expression émotionnelle constitue une grammaire d'évaluation et de réaction à une perturbation extérieure. Elle renvoie à des normes socialement partagées et incite à l'action (pitié ou dénonciation) mais doit être considérée comme authentique pour être acceptée. Les affects nous servent, enfin, de signal face à des menaces latentes. A travers ses différentes fonctions, les récits marqueurs d'affects offrent une lecture du monde normative et potentiellement menaçante. [ http://orm.comu.ucl.ac.be/Mediatiques/Mediatiques39.pdf ]