Technicisation et humanisation. L'art de la restauration du cadavre comme nouvelle esthétique de la "bonne mort"
Résumé
Ce chapitre rend compte de la transformation des pratiques funéraires au cours de la seconde moitié du 20ème siècle, en s'intéressant de façon privilégiée aux techniques de traitement du cadavre. Il retrace le tournant historique que constitue, à partir de 1960 en France, l'introduction de la thanatopraxie et plus largement le développement des " soins au défunt ". Il examine la trajectoire de cette innovation à travers l'action des groupes professionnels, les pompes funèbres et les thanatopracteurs. L'analyse décrit la façon dont les thanatopracteurs, bien que dépendants des opérateurs funéraires dans le gouvernement de leur marché, bâtissent leur autonomie professionnelle sur la spécialisation technique mais aussi sur le développement d'une rhétorique professionnelle de la " réparation ". Cette promesse ouvre à des traductions socialement légitimes non seulement en termes d'esthétique de la mort, mais au-delà dans la prévention de la souffrance voire des pathologies du deuil. Le champ des services au défunt n'en demeure pas moins ouvert à des conceptions alternatives voire concurrentes des scripts de la " bonne mort " et du " bon deuil ".