La géographie du développement est morte, vive la géographie la géographie du développement ! Analyse des résistances des modèles développementalistes dans l'analyse des Suds.
Résumé
La géographie du développement a eu sa période de gloire avec notamment Yves Lacoste en France et Dieter Senghaas, Ulrich Menzel, Fred Scholz en Allemagne. L'approche " dépendantiste " née au sein de la CEPAL et reprise par ces scientifiques y a été intégrée dans une multitude d'études et d'analyses jusque dans les années 1980. En Allemagne, l'émergence des quatre petits tigres asiatiques et l'engouement scientifique qu'il suscité freina la vague critique du développement. Ces " succes stories " furent discutées dans de nombreux ouvrages et ont reconverti bon nombre d'auteurs du " camp " dépendantiste vers une approche plus différenciée et circonstancielle. En France, l'ouverture d'une géographie tropicale prioritairement africaniste vers les mondes émergents, notamment latino-américains, contribua au recul de l'approche dépendantiste, au développement d'une lecture en termes de gagnants/ perdants de la mondialisation, sans permettre réellement l'émergence d'un paradigme post-développementaliste ni post-colonialiste. Dans les deux pays, la géographie du développement semble avoir été absorbée par celle de la mondialisation depuis les années 1990. Qu'elle se présente comme neutre ou critique scientifique du libéralisme, cette géographie globalisée ne semble pas ouvrir le pas à une géographie du " post-développement ". Nous assistons à un véritable " effritement " la communauté scientifique des géographes se préoccupant des questions du développement, selon des tendances similaires en France et en Allemagne : 1. Reconversion de géographes du développement en géographes de la mondialisation 2. Diversification des champs d'études : vers une géographie des risques et vulnérabilité, des NTIC, du développement durable etc. 3. Perte de vue de la question du développement des Suds : études sur mondialisation (étude des réseaux et territoires), la question du bien-être des population, des causes du mal-développement et de la sortie de crise des pays n'étant plus véritablement prises en compte Elles semblent mettre en évidence la fin d'une vision du développement comme processus de rattrapage, sans qu'une alternative unifiée apparaisse. Ceux qui se penchent sur les dynamiques de la mondialisation raisonnent désormais en termes d'" intégration des territoires et individus ". Il nous semble essentiel, tout d'abord, de confronter ce nouveau paradigme de développement à cette histoire de la pensée du développement, pour expliciter un certain nombre d'implicites de cette évolution. Il faut également questionner le paradigme du " développement local " en tant que véritable alternative aux théories précédentes. Nous proposons par ailleurs un bref panorama des alternatives théoriques à la géographie du développement, telles qu'elles ont été formulées dans les dix dernières années, de la théorie du développement fragmenté (F. Scholz, 2005), à l'approche territoriale des Suds. Celle-ci se présente en effet comme un simple déplacement de la question de l'échelle d'analyse des Suds, mais elle soulève un large débat sur l'équité et la cohérence, tout autant sociales que territoriales.