La sécurité publique à l'épreuve de la LOLF - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Pré-Publication, Document De Travail Année : 2008

La sécurité publique à l'épreuve de la LOLF

Résumé

Depuis 2006, date d'entrée en vigueur de la Loi d'orientation des lois de finances (LOLF), les outils de performance mis au point pour atteindre des objectifs assignés par le gouvernement ont commencé à produire certains résultats. L'étude évalue, dans le domaine de la sécurité publique, ce que les outils de management disponibles changent dans les pratiques locales.
A partir d'une circonscription de sécurité publique plutôt généraliste, Coulommiers, l'étude dresse un inventaire complet de tous les outils mobilisés, et observe comment, avec eux, elle se met à vivre : d'une part, dans le quotidien des agents qui en composent l'organigramme, d'autre part, dans le pilotage des tableaux de bord par le chef de service et son adjoint. Le premier se réserve de traduire les injonctions centrales et départementales au contexte local et de donner à la DDSP les moyens d'établir des comparatifs de performance et de résultats entre les 17 CSP de la Seine et Marne. Le second essaie de transformer en douceur la culture cloisonnée des services vers une meilleure transparence du travail de ses troupes, et d'apporter des interprétations convaincantes sur la signification sociale locale des données incessamment recueillies.
Il en résulte, du point de vue d'une sociologie des organisations et des professions de la sécurité publique, trois enseignements nouveaux.
1 - Une organisation de sécurité publique doit être étudiée comme un organisme vivant qui s'empare à sa façon de nouveaux outils de gestion dès lors qu'elle ne les vit pas comme des outils de contrôle de chacun de ses agents pris isolément. Les outils de gestion (notamment la MCI, plus d'ailleurs que les tableaux de l'activité judiciaire) disent quelque chose de nouveau et de banal sur le fonctionnement concret de l'Etat et de ses administrations régaliennes.
2 - C'est la hiérarchie intermédiaire des officiers qui joue le rôle le plus important. L'interface de l'officier habile sert deux objectifs souvent peu compatibles : rassurer le supérieur hiérarchique sur sa propre faculté à convaincre la DDSP de ses résultats globaux, en lui apportant des clés de lecture convaincantes sur ses « chiffres ». Mais aussi, rassurer les agents de première ligne en leur faisant admettre progressivement leur propre intérêt à coopérer à cette stratégie de transparence, tant en interne qu'à l'extérieur, pour communiquer d'une façon plus réflexive et moins à l'argument d'autorité.
3 – Cette monographie, qui entend rester empirique, contribue à détruire partiellement une hypothèse dominante facilement réfutable en raison de son extrême politisation : l'idée selon laquelle, la « pression nationale aux résultats » provoquerait un effet massif de falsification des chiffres à la base. L'étude ne réussit pas à en démontrer la consistance. Elle suggère plutôt deux choses. La proactivité policière dans certains domaines (stupéfiants et étrangers) apporte en effet des « résultats » directs aux « demandes » politiques, puisque l'on sait depuis des lustres activer le levier des délinquances sans victimes. Pour le reste, c'est à l'occasion de la remontée des chiffres aux échelons départementaux et centraux que les logiques d'appariements, d'agrégations et de standardisations provoquent une déperdition considérable d'informations. Une certaine déréalisation du vécu peut donner in fine l'impression aux agents de première ligne que le « centre » ne tiendrait pas compte de ce que « fait » la base. A terme, le remplissage des cases pourrait bien être perçu comme une corvée et provoquer, en effet, diverses formes de résistances à des outils dont on ne comprendrait pas l'utilité. C'est une probabilité, mais rien n'indique qu'on puisse en inférer une falsification à tous les niveaux pour conforter la position d'un ministre. Il est probable qu'une des lois de la sociologie de la police dite de « l'involution des buts » (les directions centrales s'adapteraient aux logiques discrétionnaires des street level bureaucrats) a pu en accréditer longtemps l'hypothèse.
Toutefois, si une révolution managériale par les indicateurs de performance dans des services de police restés centralisés est en marche, elle passera par une attitude d'adhésion globale du corps des officiers de la sécurité publique, ou elle n'aura pas lieu. C'est ce que d'autres enquêtes plus systématiques devront vérifier.

Domaines

Sociologie
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Dates et versions

halshs-00418473 , version 1 (18-09-2009)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00418473 , version 1

Citer

Frédéric Ocqueteau. La sécurité publique à l'épreuve de la LOLF : L'exemple de la DDSP de Seine et Marne et de la CSP de Coulommiers 2006-2007. 2008. ⟨halshs-00418473⟩
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