Langues créoles, diachronie et procédés de reconstruction - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Bulletin de la Société de Linguistique de Paris Année : 2001

Langues créoles, diachronie et procédés de reconstruction

Résumé

Title : Creole languages, diachrony and processes of reconstruction

At the beginning, there were two worlds : Africa and Europe. Then those two worlds met abruptly, at the end of the Middle Ages, within communities where slavery was the most common rule, where the Whites acculturated the Blacks, where captive women gave birth to half-caste children, who themselves framed hybrid tongues : the Creole languages.
Creole languages and most especially the Afro-European ones, continue to excite many a linguist's curiosity. They were born suddenly, within one or two generations' span, they display half-African, half-European characteristics, and the mistery of their origins overlaps partly or totally with the question of the origins of Language.
Those Creole tongues are said to be French or English or Dutch or Portuguese-based. Provided that the base is mentioned, everything seems to be clear. For example, if the Creole X is Portuguese-based, many people will assert immediately that any romance-looking word they may find in X can be traced to Portuguese. To Portuguese, yes, quite surely, but which Portuguese Classical or modern ?
When studying the genesis of Creole languages, many people neglect the notion of diachrony. Nonetheless, a lot of Afro-European Creole languages already have a history, which sometimes exceeds a half-millennium, and a simple glance into a contemporary dictionary of the lexifier language is by no means sufficient to give a full account of their formation.
In order to lay the foundation of a decent philological approach in creolistics, one must absolutely take into consideration the diachrony of the lexifier languages and of the new-borne Creole tongues that descend from them. Such a work enables one to produce reliable reconstructed forms and more solid and fruitful comparative studies.
That is what I will try to show through this communication, basing myself on examples taken from my own research on West-African and Gulf-of-Guinea Afro-Portuguese Creoles.
Au commencement étaient deux mondes, l'Afrique et l'Europe. Puis ces deux mondes se rencontrèrent soudain, au sortir du Moyen Âge, dans le cadre de sociétés généralement esclavagistes où l'homme blanc accultura l'homme noir, où les femmes asservies engendrèrent des enfants métis qui inventèrent des langues, comme eux hybrides : les créoles.
On appelle créoles un certain nombre d'idiomes mixtes, formés à partir de plusieurs langues dont les locuteurs ont été amenés à vivre au même endroit ou à se côtoyer intensément. Les langues dites créoles, et en particulier les créoles afro-européens, ne laissent pas d'intriguer les linguistes. Surgies brusquement, en l'espace d'une ou deux générations, mi-africaines et mi-européennes, au contact de deux mondes, le mystère de leur origine se confond en tout ou partie avec celui des origines du langage.
La totalité des créoles afro-européens doivent une majorité de leur vocabulaire à une (ou plusieurs) langue européenne, appelée langue lexificatrice ou lexificateur. Ce lexificateur peut être le français, l'anglais, le néerlandais, l'espagnol ou le portugais selon les cas. Or, trop souvent, lorsque des recherches étymologiques sont effectuées sur les langues créoles, on attribue au lexificateur tous les mots créoles qui lui sont apparentés sans se poser davantage de questions. Ainsi si le créole X a le portugais pour lexificateur, la plupart des gens affirmeront tout de go que tout mot d'aspect roman rencontré dans notre créole X provient sans nul doute du portugais. Du portugais, oui, sûrement, mais de quel portugais ? Classique, contemporain ?
Lors de l'étude de la formation des langues créoles, on laisse souvent de côté la notion de diachronie. Mais beaucoup de créoles afro-européens ont déjà une histoire qui dépasse parfois le demi-millénaire et un simple coup d'oeil dans un dictionnaire contemporain de leur langue lexificatrice ne saurait en aucun cas résumer l'histoire de leur formation.
Pour poser les bases d'une philologie créole qui se respecte, la diachronie des langues lexificatrices et des langues créoles néoformées (ou langues lexifiées) doit absolument être prise en compte de manière rigoureuse et systématique. Une telle approche permet alors de procéder à des analyses comparatives solides et plus fructueuses et à des reconstructions historiques plus dignes de foi, sachant qu'une collaboration entre de nombreux scientifiques est indispensable pour rendre compte de l'histoire complexe des langues et des sociétés créoles afro-européennes, situées au carrefour de deux univers culturels.
C'est ce que j'essaierai de montrer dans cette communication, à partir d'exemples tirés de mes recherches sur le cap-verdien ainsi que sur les autres créoles afro-portugais de l'Afrique de l'Ouest et du Golfe de Guinée.

Domaines

Linguistique
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-00341633 , version 1 (25-11-2008)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00341633 , version 1

Citer

Nicolas Quint. Langues créoles, diachronie et procédés de reconstruction. Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 2001, 1 (XVI), pp.265-284. ⟨halshs-00341633⟩
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