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Communication dans un congrès Année : 2007

Le français parlé dans l'enseignement du FLE

Juliette Delahaie

Résumé

L'intérêt pour le français parlé dans l'enseignement du français langue étrangère n'est pas neuf. De la méthode directe au début du vingtième siècle, au Cadre européen commun de référence pour les langues, l'enseignement du français parlé a fortement évolué, reprenant notamment les acquis de la pragmatique et de la linguistique interactionnelle. D'après le Cadre commun européen de référence pour les langues, l'enseignement du français parlé doit accorder une certaine importance à la co-construction de l'interaction entre les interlocuteurs, à la manière dont se « bricole » une interaction, notamment à l'aide de petits mots du discours.
Mais qu'en est-il dans la réalité ? Les apprenants sont-ils exposés à un input adéquat, qui leur permette d'acquérir une réelle compétence orale ? Pas toujours, tant la norme grammaticale enseignée, aussi bien par les manuels de langue que par les enseignants (ce que l'on appelle « l'input éducationnel »), peine à accueillir les avancées de la grammaire de l'oral. Ainsi, input éducationnel et façon de parler de l'enseignant peuvent véhiculer des représentations de la langue parlée totalement différentes. On en donnera un exemple à travers les emplois conversationnels du présentatif voilà dans le corpus LanCom.

Le corpus LanCom est un corpus différentiel natif/non natif constitué d'interactions verbales enregistrées pour moitié en Belgique néerlandophone (productions orales en langue française d'élèves néerlandophones de niveau intermédiaire-avancé dans différents établissements secondaires) et pour moitié en France (enregistrements de scènes faisant intervenir les mêmes types d'interactions). Nous nous appuierons sur le sous-corpus des scènes de présentation et sur celui des scènes à l'agence de voyage, augmenté par nos soins en 2005-2006 (côté néerlandophone : jeux de rôle à l'agence de voyage et évaluation de ces activités par quatre enseignants différents ; côté francophone : conversations authentiques dans une agence de voyage de Lille).

Si l'on analyse les jeux de rôle joués par les apprenants néerlandophones, on s'aperçoit que le présentatif voilà est uniquement employé dans les scènes de présentation d'une personne à un tiers (dans des énoncés du type voilà Nathalie). Or pour ce type d'acte de langage, les francophones emploient exclusivement la tournure je te présente X, tandis que voilà apparaît chez eux comme un petit mot très important dans la gestion des interactions, en tant que marqueur de clôture (ben voilà c'est tout) et marqueur d'accord après une demande de confirmation (l'aéroport c'est bien Orly / voilà). Ces emplois conversationnels sont totalement inconnus des élèves néerlandophones, pourquoi ?

Nous étudierons l'input éducationnel auquel les apprenants sont exposés, et qui est largement influencé par une représentation essentiellement écrite de la langue. En effet en ce qui concerne voilà, les manuels utilisés en classe, tout comme d'ailleurs ceux accessibles sur le marché français, suivent les descriptions de la grammaire traditionnelle et normative, pour laquelle le présentatif voilà sert à présenter des êtres ou des objets dans une situation donnée. Les quatre enseignants que nous avons enregistrés ne le démentent pas. Ainsi, dans les évaluations des jeux de rôle qui devraient porter sur la compétence orale des élèves, ces derniers n'accordent qu'une faible attention aux marques propres au français parlé comme le petit mot voilà (à une exception près, et qui est remarquable : une enseignante qui a travaillé sur le corpus LanCom). Et pourtant, au niveau de ce que l'on pourrait appeler l' « input implicite », c'est-à-dire la façon de parler de l'enseignant, voilà est utilisé massivement dans sa valeur conversationnelle, à tel point qu'il apparaît comme une marque typique du discours didactique.

En conclusion, cette micro-étude autour d'un terme très employé en conversation permet de mettre en valeur les deux axes principaux de notre thèse. D'une part, l'étude d'un corpus différentiel permet de mettre en lumière des éléments importants propres au français parlé, et que ni manuels ni enseignants, ni même parfois linguistes, n'ont encore exploité. D'autre part, la façon de parler de l'enseignant, qu'il soit natif ou non, forme un input implicite tout à fait pertinent pour les apprenants par rapport à certaines caractéristiques du français parlé.
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Dates et versions

halshs-00229860, version 1 (31-01-2008)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00229860 , version 1

Citer

Juliette Delahaie. Le français parlé dans l'enseignement du FLE : Le cas du présentatif voilà chez apprenants et enseignants. Le français sous tous ses aspects, Sep 2007, Boulogne-sur-Mer, France. ⟨halshs-00229860⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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