, agir conformément à son désir ; et je soutiens qu'il est impossible d'attacher une idée nette à ce mot, quand on veut lui donner une autre sens. Ainsi il n'y aura pas de liberté, s'il n'y avait pas de volonté ; et il ne peut pas exister de liberté avant la naissance de la volonté, p.109

, Des Manuscrits de Sieyès, p.80

, Sur cette genèse, voir notre étude « Sieyès et le moi

. Grand-cahier-métaphysique, Des Manuscrits de Sieyès, p.85

, honorifique pendant l'Empire, le contraint à entretenir son image de « génie politique » que lui attribuent ses contemporains les plus célèbres, tels que Mirabeau et Condorcet, dès le début de la Révolution française. Sieyès est bien l'inventeur du « tout de la nation », dont Napoléon se dit le continuateur, et il s'en fait gloire, p.89

, Manuscrit sur les Vues analytiques, p.79

C. Benjamin, Constant que l'on prête la construction du sens politique du mot réaction, avec une attention particulière à « la réaction contre les idées » qui va à l'encontre de la perfectibilité, 1999.

, Pour une vue d'ensemble de ce problème, voir L'homme perfectible, sous la dir

P. Binoche and C. Vallon, et tout particulièrement la présentation de Bertrand Binoche sur « Les équivoques de la perfectibilité, pp.13-36, 2004.

, Nous pensons tout particulièrement au cas des Juifs, avec les persécutions et le génocide nazi, peuple dont Pierre Birnbaum a montré récemment la complexité des processus d'assimilation et de désassimilation, en particulier au sein des milieux intellectuels, dans Géographie de l'espoir. L'exil, les Lumières, la désassimilation, 2004.

, Sieyès ne manifeste donc pas trop ouvertement son attachement à la réflexion philosophique, de manière à éviter d'être considéré comme « un métaphysicien rêveur », qualificatif qui se trouve à vrai dire sur les lèvres de ses détracteurs et ennemis 82 . Ce n'est qu'auprès de ses amis allemands (et de Napoléon !) qu'il se laisse aller à sa « simplicité métaphysique » selon leur propre formule, préférant se présenter au public français dans sa gloire de législateur et ses qualités d'administrateur, inclus les magnificences associées à sa richesse grandissante. Ses amis allemands sont conscients de ses contraintes publiques qui pèsent sur Sieyès ; ils y voient même, sous la plume d'Humboldt, l'explication de son incapacité à produire une oeuvre : « Si Sieyès pouvait se décider à développer un système à la manière allemande, pour lui, pour quelques lecteurs, pour la postérité, il produirait sûrement quelque chose de grand. Mais il est trop français pour cela. L'idée du public autour de lui est tout de suite là ; ainsi tout écrit est partie de la vie publique, Mais il évite d'être dupe de lui-même, en parlant le langage de la vérité comme nous l'avons précisé ailleurs 81

, Au delà de la connaissance précise -qui nous semble guère possible -de la part des derniers écrits philosophiques rédigés à Bruxelles même, il est peu fiable d'affirmer que le Sieyès penseur s'évanouit, vieux et malade, dans la société bruxelloise qui l'accueille. Sieyès ne se contente pas d'une vie privée certes heureuse grâce à l'affection familiale et amicale qui l'entoure, En exil à Bruxelles, voire dès sa prise de conscience de l'échéance proche d'un tel exil, sa situation est fort différente

«. Dans-notre-Étude, . Sieyès, and . Le-moi, De la dignité sociale à la duperie mondaine

, Ainsi il écrit en l'an III : « Que je sois connu par quiconque me connaît comme ayant tourné mes travaux en politique vers l'organisation et le mécanisme des fonctions publiques, cela n'est pas douteux. Pourquoi donc cette réputation de métaphysicien exclusif ? C'est le cri de l'ignorance, de la suffisance, de la mauvaise foi, p.479

, activité intellectuelle laissée en grande part de côté pendant la Révolution française 84

, Sieyès témoigne, au nom de la perfectibilité humaine, de son étonnante capacité de résistance, à 70 ans passé et au-delà de sa fragile santé, à toute forme de réaction politique et intellectuelle. Nul ressentiment, nulle acrimonie dans une écriture philosophique déployée bien au contraire dans la diversité heureuse des mots de la langue, de leur contrôle au regard d'un authentique engagement ontologique. En considérant l'existence, comme essence, d'un « ordre général », Sieyès mène à son terme un processus d'assimilation du nouvel ordre social constitué avec la Révolution française sans avoir recours à une vision linéaire, quasi-messianique, du progrès humain à l'exemple de Condorcet. Il en vient même à ressourcer « le tout de la nation, vol.85

, Faisant référence à ses travaux en économie politique des années 1770, il écrit ainsi « J'avais déjà tant de matériaux. Pourquoi cette détestable révolution m'a-t-elle détourné de mes travaux !

. Voir and . Sieyès, , p.63, 2000.

, aise et sûr de lui dans ses débats avec Napoléon lorsqu'ils évoquent ensemble « le chemin de ses idées métaphysiques », au moment où l'empereur lui demande, au milieu d'anciens ducs et d'anciens marquis, s'il regarde « le tout comme fini », lui qui fut l'inventeur du « tout de la nation ». Sieyès, ne sachant que répondre, se contente de proférer une vague interjection, « Oh ! oui » tout en s'inclinant profondément devant lui, p.516, 1968.