ONG et enjeux minoritaires en Bulgarie - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Critique Internationale Année : 2008

ONG et enjeux minoritaires en Bulgarie

Résumé

Depuis la chute du communisme en 1989 à l'Est, la question des minorités y a été construite par une variété d'acteurs internationaux (le Conseil de l'Europe, l'OSCE, l'Union européenne (UE), entre autres) à la fois comme un des secteurs prioritaires de l'exportation démocratique - à travers le transfert de normes, règles et standards internationaux - et comme l'un des lieux où mesurer les " avancées " réalisées sur la voie de la démocratie, puis sur celle de l'intégration à l'Union européenne. Dans cette perspective, les organisations non gouvernementales internationales comme locales se sont vu accorder un rôle pivot dans la protection des minorités et la pacification des rapports intercommunautaires. Rares sont cependant les analyses du travail de ces acteurs non gouvernementaux qui aident à saisir les mécanismes concrets à travers lesquels des enjeux, des politiques ont été formulés et transformés au fur et à mesure qu'une variété d'acteurs locaux, régionaux et transnationaux s'en saisissaient et les remodelaient. Pour rendre compte de ces processus interactifs, des jeux d'échelle qu'ils mobilisent, l'optique retenue ici consiste à changer de focale et à chercher à appréhender non les pratiques d'exportation et les logiques d'importation, mais plutôt les acteurs et les modes de construction des enjeux minoritaires dans un contexte précis, celui de la Bulgarie, et dans un secteur particulier, l'univers des organisations non gouvernementales (ONG) bulgares. Elle propose une interrogation formulée en termes de circulation des thématiques, d'instrumentalisations contextuelles et de façonnages pluraux. Plutôt que de postuler des logiques d'imposition ou d'asymétrie, elle s'intéresse, d'une part, aux sollicitations de l'international et, d'autre part, à la manière dont des idées, des catégories discursives, des dispositifs s'insèrent dans des dynamiques locales. Dans ce cadre, les arguments que nous allons défendre sont les suivants : premièrement, contrairement à ce qu'une présentation d'un secteur non gouvernemental comme une entité homogène, dotée d'une gamme singulière de savoir-faire importés donnerait à penser, les milieux non étatiques impliqués dans le traitement des questions minoritaires en Bulgarie ont connu une forte diversification en l'espace de quinze ans, tant sur le plan des politiques de recrutement et des ressources mobilisées que des stratégies de légitimation déployées et des actions mises en œuvre. Bien que le secteur ONG reste clivé entre quelques structures à financement pérenne et des petites entités économiquement fragiles, la configuration présente donne à voir deux évolutions intéressantes, avec, d'une part, des partenariats publics/privés impensables au début des années 1990 et, d'autre part, une mise en débat nouvelle des politiques des minorités, soucieuse de réinscription dans une histoire locale.

Deuxièmement, si les formulations des enjeux minoritaires dans le secteur non gouvernemental et l'administration publique bulgares ne peuvent se comprendre qu'au regard de la construction des enjeux minoritaires intervenue simultanément à l'échelle européenne et internationale, cela ne signifie pas que l'on ait observé une importation linéaire des problématisations internationales en Bulgarie. Ces dernières, elles-mêmes diversifiées et changeantes, sont investies par des acteurs locaux qui ont appris à jouer des répertoires de l'international pour se positionner sur un marché interne compétitif. Surtout, étudier les modes de construction des enjeux des minorités invite à souligner le caractère fragile, poreux, des lignes de démarcation entre ce qui est présenté comme relevant de l'exportation ou de l'importation en raison de la multipositionnalité d'acteurs - à la fois " locaux " et insérés dans des réseaux transnationaux, voire impliqués dans les formulations des politiques des institutions perçues comme " exportatrices " -. Enfin, plus spécifiquement, la décennie passée a vu l'émergence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs identitaires roms pour lesquels l'entrée dans le secteur non gouvernemental, porteuse d'accès à des ressources financières et de reconnaissance internationale, constitue un des moyens pour tenter de se faire reconnaître en interne, par rapport aux élites entrepreneuriales et politiques roms, et se poser en porteurs d'une identité rom en voie de cristallisation.
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halshs-00147565 , version 1 (24-03-2010)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00147565 , version 1

Citer

Nadège Ragaru. ONG et enjeux minoritaires en Bulgarie : Au-delà de 'l'importation/exportation' des modèles internationaux. Critique Internationale, 2008, 40, pp.27-50. ⟨halshs-00147565⟩
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