Parents et étrangers en Côte-d'Ivoire. Fiction du pouvoir et aliénation
Résumé
Cet article reprend de manière synthétique l'histoire centenaire de la Côte-d'Ivoire en essayant de montrer comment les contradictions politiques globales s'inscrivent dans l'espace de la parenté et, simultanément, comment les tensions internes aux relations de parenté sont projetées sur l'ensemble des rapports sociopolitiques. La relecture des systèmes herméneutiques des prophétismes d'une part et, d'autre part, de l'idéologie du développement sur lequel s'est bâti l'Etat indépendant, permet de mettre en évidence la manière dont l'infériorisation coloniale (puis postcoloniale) a été internalisée dans la société et se traduit notamment par la dévalorisation de la parenté et de la sorcellerie qui sont devenues durablement la marque d'une infériorité face au monde occidental. L'article s'attarde plus particulièrement à montrer que les nouvelles formes de domination étrangère sur l'économie (ajustement structurel, maintien ou renforcement de la présence des expatriés européens dans les entreprises) ont contribué dans les années 1980-90 à renforcer et renouveler cette signification négative des rapports de parenté. De la sorte, les différentes formes d'aliénation liées à la parenté, au politique et à la domination étrangère se renforcent mutuellement et, dans la période récente, prennent un caractère d'autant plus aigu qu'elles donnent lieu à des tentatives d'autonomisation et de dépassement constamment vouées à l'échec.