La fabrique de l’anthropologie : terrains, individus, écritures - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Annuaire de l’EHESS : Comptes rendus des cours et conférences Année : 2012

La fabrique de l’anthropologie : terrains, individus, écritures

Résumé

Nous nous sommes longuement penchés sur les conditions d’élaboration, de recueil et d’interprétation des narrations orales formalisées. Dominique Casajus est revenu sur la question homérique, à partir d’un réexamen critique des travaux de Milman Parry et Albert Lord. Les deux homéristes ont émis l’hypothèse que les épopées homériques furent prises sous la dictée d’aèdes illettrés, semblables aux bardes serbo-croates dont ils avaient recueilli les chants au début des années 1930. Cette situation où la composition est contemporaine de l’exécution devait selon eux être tenue pour caractéristique de la poésie orale, alors que la poésie écrite suppose un hiatus entre la composition et la réception. Dominique Casajus s’est attaché à rappeler qu’il existe des poésies orales pour lesquelles la composition est tout aussi peu contemporaine de l’exécution qu’elle l’est pour la poésie écrite. La poésie touarègue contemporaine en est un exemple, qu’il a développé ; il y en a d’autres.
Ce cheminement nous a conduits à interroger, dans des situations plus ordinaires, le questionnement ethnographique lui-même. Revenant sur des situations d’enquête, nous avons souligné les malentendus, les embarras, les difficultés à poser les bonnes questions au bon moment et à comprendre le sens de nos propres interventions et partis pris sur le terrain. On a pu ainsi mettre en évidence combien la mise en catégories était en permanence déjouée par la « pensée indigène » qui, parce qu’elle est une vraie réflexion, ne trace pas de limites précises entre les notions mais montre leurs usages et leurs sens différents selon les contextes. Dominique Casajus a insisté sur la difficulté de trouver les justes mots pour dire ce que l’on voit et comprend sur le terrain sans y projeter ce que l’on sait déjà. En retour nous nous sommes aussi interrogés, en faisant écho à un ouvrage récent de Stéphane Audoin-Rouzeau Combattre : une anthropologie de la guerre moderne (XIXe-XXIe siècles) (Paris, Éd. du Seuil, 2008), sur la difficulté des chercheurs ayant combattu à dire la guerre.
Si l’insistance sur la singularité et le détail se tient au cœur du « devoir ethnographique », nous avons exploré, dans une perspective critique, les voies de la généralisation. Dominique Casajus, à partir de divers corpus historiques et ethnologiques, a montré que la pertinence du détail tient à sa capacité à être comparé. Alban Bensa a examiné les apports de la micro-description à la théorie du sujet. Si le sujet apparaît comme acteur et non plus seulement comme agent, il faut trouver à l’action des ancrages plus rapprochés et plus crédibles que la culture ou la structure : la stratégie, la trajectoire, l’histoire vécue et les identifications plus ou moins stables qui la jalonnent. Les usages politiques contemporains du passé au Maghreb et en Océanie nous ont fournis, dans cette perspective, de nombreux exemples que nous avons couplés avec un retour sur les muséographies et les enjeux de la restitution des objets accumulés par les puissants.
Fichier principal
Vignette du fichier
Casajus.Montesquieu1996.pdf ( 255.83 Ko ) Télécharger
Loading...

Dates et versions

halshs-00104619, version 1 (08-10-2006)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00104619 , version 1

Citer

Dominique Casajus, Alban Bensa. La fabrique de l’anthropologie : terrains, individus, écritures. Annuaire de l’EHESS : Comptes rendus des cours et conférences, 2012, Annuaire de l'EHESS. ⟨halshs-00104619⟩
263 Consultations
1119 Téléchargements
Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
comment ces indicateurs sont-ils produits

Partager

Gmail Facebook Twitter LinkedIn Plus