Archéologie du cheval - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2002

Archéologie du cheval

Patrice Méniel
Rose-Marie Arbogast
Sébastien Lepetz
Benoît Clavel
Jean- Hervé Yvinec

Résumé

Les restes d'équidés découverts sur les sites archéologiques constituent la source documentaire la plus cohérente que l'on puisse imaginer pour écrire l'histoire du cheval et de ses rapports avec l'homme, sur une période qui couvre sept millénaires, du Mésolithique aux temps modernes.
Cette présentation repose essentiellement sur les découvertes archéologiques réalisées en France, mais certaines approches synthétiques prennent en compte un domaine plus large, celui de l'Europe. De même, si l'accent est mis sur l'apport des ossements découverts en fouille, d'autres sources, iconographiques ou textuelles notamment, sont sollicitées ici et là. Nous n'avons pas les moyens de réaliser une histoire du cheval mettant en jeu l'ensemble des données disponibles ; notre objectif premier est de montrer le potentiel que représentent les séries d'ossements d'équidés mises au jour lors des fouilles.
Cette documentation particulière présente quelques lacunes.
La première est que les restes osseux ne permettent pas toujours de préciser à quelle forme d'équidé nous avons affaire. En effet, diverses formes, voire plusieurs espèces, sont susceptibles d'être représentées. Il n'est pas toujours aisé d'établir le statut, sauvage ou domestique, des chevaux, ou de distinguer les divers hybrides qui apparaissent avec l'âne, vers le début de notre ère. La détermination précise des restes équins découverts dans les sites archéologiques nécessite des pièces particulières, crânes ou squelettes entiers, par exemple. Or, ces derniers sont rares : la plupart des découvertes consistent en ossements épars et plus ou moins fragmentés. Tout cela fait qu'il est parfois plus juste de parler d'équidés que de chevaux.
La seconde tient à l'approche ostéologique elle-même. Elle nous prive d'un certain nombre de renseignements sur la morphologie extérieure des animaux, et tout ce qui touche à la robe, mais aussi à l'état d'engraissement, nous échappe.
Par contre tout ce qui a trait à la stature, aux proportions et à la gracilité peut parfaitement être décrit à partir des os.
Ces quelques réserves sont largement compensées par l'homogénéité de la série que compose l'ensemble des ossements issus d'une séquence de sept millénaires. En effet, un tibia, qu'il soit mésolithique ou de la fin du XVIe siècle, nous servira à estimer la stature des chevaux exactement de la même manière. En effet, à l'homogénéité de notre matière s'ajoute celle de nos méthodes ; tout cela assure la cohérence de notre documentation de base.
Au cours de notre séquence, les sites archéologiques témoignent de profondes mutations, ne serait-ce qu'au niveau de l'habitat humain. Entre un camp de chasse mésolithique et l'enclos d'un équarrisseur du XVIIe siècle, c'est un éventail très large de situations qui s'ouvre à nous. Cette diversité de contextes est difficile à maîtriser dans le détail. On peut toutefois essayer de la schématiser, en n'en retenant que les faits les plus saillants. Le premier est sans doute le passage de la chasse à l'élevage au Néolithique ; sur le plan de l'habitat cela se traduit par une sédentarisation et l'installation de villages qui vont, sur le plan de la gestion des détritus domestiques, inaugurer les modalités propres au monde rural qui disparaissent sous nos yeux. Dans ce type d'établissement l'élimination les déchets pose moins de problèmes que dans les villes, où les densités de population sont plus importantes, alors que les espaces disponibles et l'ouverture vers les champs sont beaucoup plus restreints. D'autre part, des animaux, comme les chiens et les porcs, ont alors un accès aux détritus plus limité. Ces circonstances ont une grande influence sur la nature et la composition des dépôts d'ossements.
Parallèlement à ces modifications radicales dans le mode de gestion des détritus, des mutations tout aussi fondamentales peuvent apparaître dans le traitement des animaux morts ; c'est ainsi que l'on peut distinguer les périodes où l'on mange les chevaux et celles où on ne les mange pas. La coïncidence entre ce phénomène et le précédent, à savoir l'apparition des villes, provoque une mutation importante dans le contenu des dépotoirs au début de notre ère.
Mais des restes de chevaux sont également trouvés dans des lieux qui n'ont rien de dépotoirs domestiques. Quelquefois associé aux rites funéraires, le cheval peut également faire l'objet de sacrifices ; lorsque ces pratiques s'éteignent, la nécessité de se débarrasser des cadavres imposent d'autres solutions. C'est alors qu'on voit se multiplier des dépôts de restes de chevaux, notamment à l'extérieur des cités ; ces dépôts sont sans doute des préfigurations de nos équarrissages.
Tout cela montre la diversité des paramètres qui vont marquer de leur empreinte les dépôts de restes de chevaux. On dispose de plusieurs moyens pour rendre compte de leur distribution au cours du temps. Mais compte tenu de la diversité des situations où des ossements sont découverts depuis l'installation d'un climat tempéré dans nos contrées, on s'en tiendra, pour l'instant, à une approche très générale fondée sur les nombres de restes.
Les nombres de restes de chevaux par période nous donnent une première image de la documentation disponible. Deux périodes se distinguent par une relative abondance : la fin de l'Age du Fer et les IIIe et IVe siècles de notre ère (plus de 3500 restes par phase ou par siècle). Ces deux ensembles n'ont pas la même origine : le premier rassemble des restes de chevaux consommés dans des habitats et des sujets sacrifiés dans des sanctuaires, le second est le fait de dépôts d'animaux non consommés.
Mais ces effectifs gagnent à être comparés aux nombres de restes déterminés sur ces sites, afin de distinguer les périodes où les chevaux sont effectivement bien représentés de celles qui manquent de sites ou de vestiges animaux.
La part moyenne de restes équins sur l'ensemble des sites, habitats, sanctuaires, amas périurbains, mêlant des restes consommés et des carcasses décomposées, présente des fluctuations intéressantes. La Pré- et la Protohistoire voient la part du cheval augmenter de manière assez régulière jusqu'à l'Age du Fer, puis diminuer à la fin de cette période. Ces modifications s'inscrivent dans une évolution relativement continue, ce qui n'est plus le cas ensuite. En effet, à partir de la période romaine des pics, correspondant à des sites où seuls des équidés sont présents, modifient sensiblement les moyennes.
Dans ce qui va suivre, plusieurs des pistes évoquées dans ces lignes vont être explorées. La première s'attache à l'origine de nos chevaux domestiques ; elle concerne évidemment les premières phases de notre séquence. Vient ensuite une présentation de l'évolution morphologique des chevaux au cours du temps. Dans une troisième partie nous aborderons la question de l'hippophagie, puis celle, étroitement liée, des dépôts de chevaux non consommés, d'abord ceux de nature rituelle, puis ceux liés à l'équarrissage et l'usage des matières premières issues des équidés dans un certain nombre d'activités artisanales.
L'ensemble de ces données issues de contextes archéologiques nous permet de suivre l'évolution des chevaux et de leurs statuts au cours du temps. La vision que nous avons de ces derniers est évidemment assez particulière, car elle repose avant tout sur le traitement des chevaux morts, et c'est de manière indirecte qu'il nous est donné d'entrevoir ce qu'il pouvait en être des sujets vivants.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-00091187 , version 1 (05-09-2006)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00091187 , version 1

Citer

Patrice Méniel, Rose-Marie Arbogast, Sébastien Lepetz, Benoît Clavel, Jean- Hervé Yvinec. Archéologie du cheval. Errance, 2002, Esperides. ⟨halshs-00091187⟩
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