Les minorités et le droit public français. Du refus des différences à la gestion des différences - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 1989

Les minorités et le droit public français. Du refus des différences à la gestion des différences

Résumé

Périlleux exercice que de traiter d'un sujet qui n'existe pas ! Par quel biais aborder ce qui est insaisissable ? Car la notion de minorité comme groupe est ignorée du droit français. Les raisons de cette ignorance sont bien connues : elles sont, d'abord et avant tout, d'ordre politique et idéologique. L'attitude des révolutionnaires à l'égard des minorités est toute entière contenue et résumée dans la phrase célèbre du comte de Clermont-Tonnerre à propos des Juifs : " Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout accorder aux juifs comme individus ; (...) il faut refuser la protection légale au maintien des prétendues lois de leur corporation judaïque ; il faut qu'ils ne fassent plus dans l'Etat ni corps politique, ni ordre ; il faut qu'ils soient individuellement citoyens" 1. Mais l'ignorance des minorités apparaît aussi comme une séquelle de la conception individualiste du droit et des droits de l'homme, dominante à l'époque de la Révolution, et qui a durablement imprimé sa marque au droit français. L'absence totale du concept dans les textes traduit l'impossibilité intellectuelle de penser juridiquement la notion de minorité , et pas seulement le refus-poli-tique-de reconnaître les minorités. Pourtant, nous ne vivons plus entièrement sur cette conception individualiste du droit, dont la structure actuelle reflète les transformations politiques, économiques et sociales qui ont affecté la société française : à côté des droits individuels, des droits collectifs ont été reconnus aux groupes, et l'"homme situé" a succédé à l'homme abstrait des révolutionnaires. Là où le droit ne connaissait que des individus semblables qu'il soumettait à des règles identiques, il n'en finit plus, aujourd'hui, de découper le corps social en catégories qu'il soumet à autant de régimes distincts. Il y a donc bien une prise en compte des différences par le droit. Et à défaut de pouvoir disserter sur la façon dont le droit public français traite la question des minorités, puisqu'il la traite en l'occultant, on peut essayer de montrer comment les autorités normatives-le législateur, mais aussi le juge traitent les problèmes posés par la différence. Et c'est par ce biais que l'on retrouvera, indirectement, le phénomène minoritaire : la différence en question peut en effet être la différence subie par des individus en raison de leur appartenance à un groupe défini (par exemple) par la race, la religion, ou le sexe, et qui se trouvent ainsi, en fait ou en droit, "minorisés", revendiquant moins, dès lors, le droit à la différence que l'égalité des droits ; mais aussi la différence affirmée et revendiquée collectivement par des groupes-groupes confessionnels minoritaires (juifs, musulmans), voire majoritaires (catholiques), mouvements autonomistes, etc. Ce qui frappe, à cet égard, c'est que le refus de principe de la différence, jamais démenti, coexiste de plus en plus nettement avec une gestion pragmatique des différences, qui sont désormais non plus seulement tolérées mais reconnues, voire institutionnalisées.

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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-01659340 , version 1 (08-12-2017)

Identifiants

  • HAL Id : hal-01659340 , version 1

Citer

Danièle Lochak. Les minorités et le droit public français. Du refus des différences à la gestion des différences. Alain Fenet; Gérard Soulier. Les minorités et leurs droits depuis 1789, L'Harmattan, pp.111-189, 1989. ⟨hal-01659340⟩
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