LES POUVOIRS PUBLICS ET LA " QUESTION ROM " EN EUROPE AUJOURD'HUI : PERSPECTIVES DE RECHERCHE POUR UNE APPROCHE COMPARATIVE - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Etudes Tsiganes Année : 2009

LES POUVOIRS PUBLICS ET LA " QUESTION ROM " EN EUROPE AUJOURD'HUI : PERSPECTIVES DE RECHERCHE POUR UNE APPROCHE COMPARATIVE

Résumé

En Europe occidentale comme en Europe centrale ou dans les Balkans, la présence d'individus ou de groupes roms en situation précaire constitue souvent un " problème public ", c'est-à-dire un " état de fait [qui constitue] un enjeu de réflexion et de protestation et une cible pour l'action publique " (Gusfield, 2003, p. 71). Certes, cela n'est pas une nouveauté puisque les institutions européennes ont, dés la fin des années 1960, fait des recommandations et pris des mesures législatives visant la protection des Roms en tant que minorité (Liégeois, 2009). On peut toutefois faire l'hypothèse qu'aujourd'hui, la " question rom " se pose d'une façon particulière du fait des grandes évolutions géopolitiques qui ont marqué l'Europe ces vingt dernières années. Au début des années 1990, le démantèlement du bloc socialiste a provoqué, dans les pays anciennement communistes la précarisation de nombreux groupes roms en même temps que de nouveaux processus de marginalisation sur fond de crise sociale et économique (Ládanyi, Szelényi, 2005, Nacu, 2006). Quelques années plus tard, l'élargissement de l'Union européenne s'est traduit par la suppression des frontières et par l'accès à la citoyenneté européenne des ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale, nombreux à quitter leur pays d'origine (Diminescu, 2003). Originaires de Bulgarie ou de Roumanie pour la plupart d'entre eux, les Roms seraient ainsi plusieurs centaines de milliers à avoir gagné l'Europe occidentale. Le plus souvent sans ressources économiques et en situation irrégulière sur le plan juridique, car ils ne remplissent pas les conditions posées pour séjourner durablement dans les pays d'accueil, ces " nouveaux Européens " survivent dans les marges urbaines où leur présence a fini par former un nouveau problème public, si l'on en croit les progrès de l'anti-tsiganisme, en particulier en Italie (Vitale, 2009), et ceux des mouvements de soutien aux populations en situation précaire. En outre, la Commission européenne s'est engagée 1 Olivier Legros, UMR CITERES (CNRS, Université de Tours), Equipe Monde arabe et Méditerranée, Axe transversal " Ville et politique " et réseau URBA-ROM. Le réseau URBA-ROM (http://urbarom.crevilles.org/) réunit une soixantaine de chercheurs européens s'intéressant aux politiques en direction des Roms/Tsiganes. L'auteur de cet article remercie chaleureusement Marie Bidet et Samuel Delépine pour leur lecture critique et constructive d'une première version de ce texte. 2 Le terme Roms désigne dans cet article la grande diversité des groupes et des communautés qui, pour la plupart issus d'Europe centrale et orientale, se reconnaissent comme Roms. Le terme Rom/Tsigane englobe d'autres groupes, comme les Manouches, les Kalés, les Sintis ou les Voyageurs, qui bien que plus ou moins apparentés aux Roms, ne se reconnaissent pas comme tels. Pour une analyse des terminologies en usage, voir Liégeois, 2007. depuis peu à définir une " stratégie-cadre d'inclusion des Roms " 3. La " question rom " est donc désormais une question européenne. Ce constat suscite de nombreuses interrogations. Dans quelles conditions et selon quelles modalités la présence de Roms en situation précaire finit-elle par constituer un problème public, en particulier à l'échelle locale ? Quelles sont les réponses apportées par les institutions et en quoi se distinguent-elles des modes de régulation de la marginalité sociale engagés par le passé ou encore des régimes de l' " hospitalité " qu'Anne Gotman, à la suite de Georg Simmel, définit comme un " ensemble de pratiques plus ou moins codifiées, destinées à encadrer l'arrivée et le séjour de l'étranger, à régler ainsi les frontières de l'intégration " (2004, p. 5) ? Enfin, on peut examiner les processus d'insertion animés par des individus et par des réseaux sociaux qui pourraient servir de base aux politiques publiques visant ces populations. L'objectif des lignes suivantes est de proposer quelques questionnements de départ pour des recherches comparatives. L'approche comparative a en effet l'avantage de fournir un cadre cohérent à l'analyse d'une grande diversité de situations. Sans pour autant évacuer les contextes, elle permet d'identifier des invariants et des divergences en confrontant, dans des situations différentes voire opposées, des processus similaires (Detienne, 2000). L'enjeu opérationnel de la démarche est évident : il s'agit de repérer des blocages, des motifs de conflit récurrents ou, à l'inverse, des stratégies gagnantes sans pour autant verser dans l'approche techniciste et gestionnaire qui domine aujourd'hui dans les politiques publiques.
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Citer

Olivier Legros. LES POUVOIRS PUBLICS ET LA " QUESTION ROM " EN EUROPE AUJOURD'HUI : PERSPECTIVES DE RECHERCHE POUR UNE APPROCHE COMPARATIVE. Etudes Tsiganes, 2009, 39-40, pp.42-55. ⟨halshs-01015542⟩
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