« Rouvrir le passé. Note sur l’histoire de la mémoire comme archéologie disciplinaire » - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Les Lettres romanes Année : 2014

« Rouvrir le passé. Note sur l’histoire de la mémoire comme archéologie disciplinaire »

Résumé

Dans le champ actuel de l'histoire littéraire française, l'étude des phénomènes mémoriels recouvre un ensemble de pratiques qu'il serait vain de prétendre unifier en un bloc homogène. D'une étude à l'autre, la nature des sources ne varie pas moins que l'orientation (poétique, historiographique, sociopolitique) du questionnaire qui leur est appliqué. À cette diversité s'ajoute une variété d'échelles due à l'étendue très inégale des terrains d'investigation : selon que l'on étudie l'usage d'un auteur par un autre, le traitement d'un siècle par un auteur, les avatars d'un auteur au cours d'un siècle ou même la représentation d'une période par une autre, les options méthodologiques changent en même temps que la focale. Sans réduire artificiellement pareille hétérogénéité, il paraît néanmoins possible d'identifier les questions auxquelles aucun historien des usages posthumes ne semble devoir échapper. C'est au socle de ces préoccupations communes que je voudrais ici me consacrer. En revenant à la fois sur les présupposés et sur l'horizon (théoriquement partagés) de ce genre d'études, j'aimerais suggérer qu'elles s'apparentent, du moins quand elles s'appliquent aux auteurs et aux institutions du XIXe siècle, à une véritable quête archéologique. Travailler sur les formes d'actualité et les modes d'actualisation du passé littéraire tout au long du XIXe siècle revient bien souvent à éclairer le processus au terme duquel la définition de " la littérature " a fini par se stabiliser. Processus dont l'issue, rappelons-le, était très indécise dans les premières années du siècle. Par quelle évolution ; au prix de quels choix (et de quels refus) " la littérature ", une fois émancipée du complexe des Belles-Lettres, a-t-elle fini par endosser la définition restreinte qui s'est imposée vers le milieu du siècle ? Parmi les terrains sur lesquels s'est rodée la conception devenue majoritaire, on ne saurait négliger celui de l'historiographie. Car c'est notamment dans le miroir des passés recomposés au fil de grands récits concurrents que s'est projeté, en ses nouvelles frontières, le territoire littéraire dont nous avons hérité. La littérature du XIXe siècle, ce n'est pas seulement l'ensemble des œuvres produites à cette époque sous la bannière générique du roman, de la poésie, etc. C'est aussi la région discursive désignée sous ce nom dans les institutions qui, directement ou indirectement issues de la Révolution, furent chargées de bâtir le grand récit de la "littérature française" et de transmettre aux jeunes générations une version du canon national un tant soit peu consensuelle. Or nous ne disposons pas, à ce jour, d'une étude synthétique qui embrasserait, dans la diversité de ses manifestations, l'émergence de " la littérature " comme instance d'identification nationale. Telles qu'elles sont actuellement conçues, et quelque innovantes et stimulantes qu'elles puissent être par ailleurs, la plupart des "Histoires" de la littérature française aujourd'hui disponibles ne font pas toute leur place, à de stimulantes exceptions près, aux cadres de la mémoire. De ce fait, elles courent le risque de minimiser le rôle majeur joué par les opérations mémorielles et historiographiques dans la délimitation d'un territoire proprement littéraire. Les brèves remarques qui suivent essaieront de déterminer sous quelles conditions l'histoire de la mémoire pourrait inverser cette tendance.

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halshs-00961597 , version 1 (24-03-2014)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00961597 , version 1

Citer

Stéphane Zékian. « Rouvrir le passé. Note sur l’histoire de la mémoire comme archéologie disciplinaire ». Les Lettres romanes, 2014, Mémoire de la littérature, t. 68 (2014/3-4), p. 411-424. ⟨halshs-00961597⟩
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