Penser sur la science avec les mathématiques de la Chine ancienne

Karine Chemla (1)

1 SPHERE (UMR_7219) - Sciences, Philosophie, Histoire

Dans un article de 1920, l'éminent sinologue Marcel Granet avançait plusieurs arguments à l'appui de la thèse, encore tenace aujourd'hui, selon laquelle la langue chinoise serait inadaptée à l'activité scientifique. Alors que Christoph Harbsmeier a démonté point par point le volet philologique de cette argumentation en 1998, je m'intéresse ici à la représentation de la science sur laquelle la thèse de Granet repose pour la confronter aux sources historiques. En effet, cette représentation joue un rôle essentiel dans l'argument. Elle constitue de fait l'une des bases essentielles sur lesquelles on s'est régulièrement fondé, en Occident, pour aborder non seulement les savoirs de la Chine ancienne, mais également plusieurs autres de ses institutions. Les éléments qui constituent cette représentation sont dans un premier temps identifiés, à partir d'un extrait emblématique du texte de Granet. Deux de ces éléments, la généralité et l'abstraction, sont ensuite discutés à la lumière d'extraits tirés du plus ancien traité chinois entièrement consacré aux mathématiques à avoir été transmis par la tradition écrite, Les Neuf chapitres sur les procédures mathématiques. L'enjeu n'est pas tant d'invalider des préjugés déjà battus en brèche que de montrer le potentiel des sources chinoises anciennes à nourrir une réflexion générale sur l'épistémologie et la philosophie des sciences.

Mots clés: Marcel Granet; Christoph Harbsmeier; généralité; abstraction; Chine; préjugés; Les Neuf chapitres sur les procédures mathématiques

Domaines: Histoire

Karine Chemla. Penser sur la science avec les mathématiques de la Chine ancienne. Anne Cheng. La pensée en Chine aujourd'hui, Gallimard, p. 353-386, 432-438, 2007, Folio. ⟨halshs-00903738⟩