Culture, Monde, Apatridité

Didier Moreau (1)

1 LLCP - Laboratoire d'études et de recherches sur les logiques contemporaines de la philosophie

La question d'une " mondialisation de la culture " est posée dans le monde de la culture mondialisée comme la clef de la légitimité de son propre accroissement. Ainsi, toute perspective critique relative à son caractère inexorable s'en trouve-t-elle désarmée et renvoyée vers les forces obscures des identités communautaires et de leurs traditions aliénantes. Pour accéder à des conditions minimales d'intelligibilité, il est nécessaire d'inverser la question pour se demander plutôt à quel " monde " correspond la culture aujourd'hui ? L'analyse d'une " crise de la culture " par Husserl met bien en évidence que le monde originairement structuré pour une " humanité de droit " a disparu : le " Monde des mondes " s'est retiré. Ce qui subsiste, à travers la " culture de masse " selon Adorno et Horkheimer est un dispositif d'écrasement de la subjectivité sur la satisfaction des besoins qui ont été la condition de sa subjectivation, et la perte de toute possibilité de Selbstbildung capable d'en subvertir le marché d'échange. La solidarité inattendue des thèses de Husserl et de Horkheimer-Adorno oblige donc à prendre une position décentrée relativement à ce qui les soutient dans une métaphysique du sujet moderne. La lecture de la Conférence que Heidegger donna à Messkirch en 1955 permet d'esquisser alors la topologie d'un monde devenu inhabitable, comme le recueille l'artiste tchécoslovaque Josef Sudek à travers les photographies qu'il réalisa de la Humboldtka en 1959. La dévastation industrielle, technique et culturelle y est saisie comme un processus unifié d'apatridité.

Mots clés: philosophie de la culture; philosophie de l'éducation; crise de la culture; apatridité; Josef Sudek

Domaines: Histoire, Philosophie et Sociologie des sciences

Didier Moreau. Culture, Monde, Apatridité. 2003. ⟨halshs-00836519⟩