La philosophie naturelle d'Honoré Fabri (1607-1688)

Sophie Roux (1)

1 La République des savoirs : Lettres, Sciences, Philosophie

Dans un colloque consacré aux jésuites à Lyon, il était normal à trois titres qu'un historien des sciences évoque Honoré Fabri : il fut jésuite, il fut lyonnais, il fut savant. C'est toutefois dans le cadre d'une réflexion plus générale sur la confrontation entre l'ancienne et la nouvelle philosophie que l'article " La philosophie naturelle d'Honoré Fabri (1607-1688) " interroge l'œuvre de Fabri. L'aristotélisme avait constitué une tradition souple, qui s'était pendant des siècles adaptée à de nouveaux problèmes : quelles sont les perturbations induites par les sciences et la philosophie nouvelles qu'il ne toléra pas au XVIIe siècle ? A cette époque, les " scolastiques " n'étaient pas des obscurantistes enfermés dans des camps retranchés : comment comprirent-ils les sciences et la philosophie nouvelle ? L'article procède en quatre temps : 1. L'étude de la réception de Fabri montre qu'il avait été perçu comme un partisan de la science et de la philosophie nouvelles au milieu du XVIIe siècle, mais que la polarisation du champ philosophique entre les " anciens " et les " nouveaux " philosophes qui devient effective à la fin du XVIIe siècle le fit progressivement s'enfoncer dans les oubliettes de l'histoire. 2. L'analyse du combat qu'il mena dans les années 1640 contre Galilée montre que ce combat l'a paradoxalement amené à défendre la proposition que des grandeurs continues sont composées d'un nombre fini d'indivisibles étendus, proposition hétérodoxe s'il en fut, puisqu'elle fut officiellement prohibée par les jésuites. 3. Tout aussi paradoxalement, il fut amené dans les années 1660 à combattre Descartes, alors qu'il avait, tout comme ce dernier, soutenu que les formes substantielles étaient superflues en philosophie naturelle, et que cette proposition lui avait valu d'être accusé de cartésianisme. 4. On examine enfin la manière dont Fabri lui-même, dans ses ouvrages publiés comme dans des manuscrits conservés à la Bibliothèque Municipale de Lyon, concevait le rapport d'Aristote et des scolastiques, le partage entre les anciens et les nouveaux, la distinction entre les innovations souhaitables et les innovations dangereuses. Cet article est une étude érudite sur un auteur inconnu, aussi prolixe qu'inconsistant. Il s'agit de montrer l'intérêt qu'une étude sur un auteur de ce genre peut présenter pour l'histoire des sciences et de la philosophie, à condition qu'elle soit structurée par une problématique forte.

Mots clés: Honoré Fabri; philosophie naturelle; jésuite; ancienne philosophie; nouvelle philosophie; aristotélisme

Domaines: Histoire, Philosophie et Sociologie des sciences

Sophie Roux. La philosophie naturelle d'Honoré Fabri (1607-1688). Les Jésuites à Lyon, Presses de l'ENS-LSH, pp.25-66, 2005. ⟨halshs-00806459⟩