La fin d'un tabou ? L'interdiction de communier pour la femme menstruée au Moyen Âge. Le cas du XIIe siècle - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 1999

La fin d'un tabou ? L'interdiction de communier pour la femme menstruée au Moyen Âge. Le cas du XIIe siècle

Résumé

This article is a case study examination of the role of taboos in the Middle Ages. It analyzes the menstrual taboo during the 12th century. In the Medieval Western World taboos have no structural value. On the contrary scientific and religious discourses bring forth rationalization techniques that countervail taboos. Nonetheless, taboos reappear sporadically in different cultural settings. The menstrual taboo is a good observatory of these contradictory evolutions. Medieval learned medicine promotes menstruation as an essential mechanism to upkeep the physiological balance of women. Therefore, it should not be impeded. Theologians and canonists mostly speak of menstruation when they criticize Jewish Law. The menstrual taboo is rooted in the Leviticus' prohibition abolished by Christianity. Penitentials of the Early Middle Ages reinstate taboos but the opinion of Gregory the Great carries more weight. The pope ruled in a famous statement that menstruation is a physiological issue out of women's control. There is no ill will and therefore no sin. Others theologians and canonists rationalize taboo as prophylaxis --- Medical knowledge explained that intercourse during menstruation could lead to leprous offspring ---. Learned knowledge tend to rationalize taboos. Everyday religion is more ambivalent. Churching become a common ritual during the 12th century. Churching finds its place amongst the ceremonies highlighting a Christian life. After childbirth women were prevented to go to church until their postpartum bleeding ended. However, a close examination of ritual and literary descriptions of childbirth shows that women are not feared because they are bleeding but because they are thrown in liminality where they could lose their humanity and devour their offspring. The trespassing of the frontier between man and beast is feared in the Middle Ages and is much more important in folklore than the blood taboo.
Cet article examine la place des tabous dans la société médiévale à partir de l'exemple du tabou de la femme menstruée au XIIe siècle. Dans l'Occident médiéval, le tabou n'a pas de valeur structurante. Au contraire, tant la culture savante que religieuse développent un discours s'opposant aux tabous par des techniques de rationalisation. Pourtant, l'histoire culturelle montre que les tabous peuvent resurgir de différentes manières. Le tabou de la menstruation constitue un bon observatoire de ces évolutions contradictoires. Dans la médecine du XIIe siècle, la menstruation est valorisée comme un phénomène essentiel à l'équilibre physiologique féminin qu'il ne faut pas contrecarrer. Les théologiens et les canonistes abordent la menstruation en premier lieu lorsqu'ils critiquent la Loi juive. Le tabou de la femme menstruée est une interdiction du Lévitique abolie par la survenue du christianisme. Certes, les Pénitentiels du Haut Moyen Âge avaient repris ce tabou. Néanmoins, le poids de l'autorité de Grégoire le Grand est déterminant. Le pape avait jugé dans une décision célèbre que la menstruation était un phénomène physiologique en dehors du contrôle des femmes. Il n'y a aucune faute et donc aucun péché. D'autres théologiens et juristes rationalisent le tabou par des motifs prophylactiques (la médecine pensait en effet à cette époque que les rapports sexuels lors des menstrues pouvaient conduire à engendrer des enfants lépreux). Si les discours savants semblent aller tous vers une rationalisation du tabou, les pratiques religieuses sont plus ambivalentes. Le XIIe siècle est l'époque du développement des relevailles et de son insertion dans les cérémonies qui scandent la vie chrétienne. Les accouchés sont ainsi écartées de l'église jusqu'à la fin des écoulements post-partum. Une analyse pourtant des rituels de l'accouchement ainsi que certains textes littéraires montrent que la peur des médiévaux devant l'accouchée n'est pas tellement un dégoût devant ses saignements mais de son état liminaire, presque animal, où l'on craint qu'elle ne dévore sa progéniture. Cette angoisse devant la frontière entre l'homme et la bête est largement folklorisée au Moyen Âge et a une importance bien plus grande que le tabou du sang.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

halshs-00780023 , version 1 (23-01-2013)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00780023 , version 1

Citer

Charles de Miramon. La fin d'un tabou ? L'interdiction de communier pour la femme menstruée au Moyen Âge. Le cas du XIIe siècle. Le sang au Moyen Âge, Université Paul-Valéry, pp.163--181, 1999, Cahiers du CRISIMA ; 4. ⟨halshs-00780023⟩
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