Former pour faire de la qualité : quelle reconnaissance pour les gestes professionnels ? - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2011

Former pour faire de la qualité : quelle reconnaissance pour les gestes professionnels ?

Résumé

" Je jouissais des mouvements de mon corps, à travers lui du privilège de vivre, présent à la perceuse, au bruit de la mèche s'enfonçant dans la fonte, ramenant en tournant de la poussière grise, à la pression que j'exerçais, la main sur le volant poli de la perceuse, heureux d'être éveillé, d'être un corps qui travaille et qui songe" (Navel, 1945, p. 103). Comment mieux introduire l'objet de cette communication qu'avec cette citation de Georges Navel relatant ses " Travaux " et insistant ainsi sur le sens que peut prendre le travail à partir du plaisir mental et physique que procure la réalisation d'un geste de perçage. Les gestes participent ainsi à la construction identitaire de la personne au travail, mais dans leurs réalisations ils visent aussi d'autres intentions. Ils sont le résultat combiné de plusieurs intentions : être performant et atteindre une certaine quantité et qualité de travail ; préserver sa santé et se préserver de l'effort ; appartenir à un groupe, à un métier. Il n'est pas sûr que dans bon nombre d'entreprises ces fonctions du geste soient reconnues. Le développement de politiques industrielles basées sur la standardisation du travail ne favorise pas ces considérations. Les choix opérés en matière d'organisation du travail, les outils de gestion mis en place pour améliorer la qualité et la productivité jouent un rôle sur les possibilités qu'auront les opérateurs de développer leurs gestes, de faire face par leurs gestes aux aléas inhérents à toute situation de travail. Il s'agit ici de reconnaitre la contribution des opérateurs à la réalisation d'un travail de qualité.
L'objet de cette communication dans le cadre de cet atelier est de montrer la reconnaissance des gestes professionnels dans une entreprise du secteur de l'automobile à partir de la mise en place de formations aux bons gestes destinées à améliorer la qualité. Dans l'organisation de ces activités à fortes composantes sensori-motrices, l'idée d'enseigner et de faire pratiquer le " bon geste " est persistante. Des outils sont mis au service de cette orientation, à savoir : une formation à des gestes de base (l'école de dextérité) et la conception de gammes opératoires (fi ches d'opérations standards) servant de base de formation au poste de travail. La formation devient ici un outil de management pour mobiliser les opérateurs sur la question de la qualité. Des analyses gestuelles menées à partir d'observations et d'entretiens dans le cadre de la mise en place de ces outils mettent en évidence que ces derniers ne tiennent pas compte du bien-être des opérateurs ; ils ont été conçus sur des conditions idéales de fabrication sans prise en compte des réalités concrètes d'exécution du travail. Dans la situation de formation à l'école de dextérité, les gestes des opérateurs sont mis à l'écart. Les opérateurs transfèrent des gestes élaborés à leur poste de travail durant la formation qu'ils doivent inhiber parce que non requis par le prescrit. Quant à la seconde situation de mise en place des fi ches d'opérations standards, les opérateurs élaborent des gestes guidés par un objectif de recherche d'équilibre entre bien être et production qui sont remis en cause par les procédures prescrites, comme c'est le cas dans l'exemple de la manipulation d'une tôle. Dans les deux situations, les opérateurs résistent en élaborant des gestes de travail parfois en désaccord avec les procédures prescrites. Mais la question qui demeure est le coût en termes de santé de cette résistance et la durée pendant laquelle ils pourront encore résister, si au sein de l'entreprise un débat sur les marges de manoeuvre et le sens de la prescription gestuelle n'a pas lieu. Ce débat s'est enclenché avec notamment cette recherche sur le thème : " Où placer le curseur de la prescription ?", en ayant à l'esprit toute la complexité des gestes mis en oeuvre par les opérateurs et exposés suite à nos analyses. Ce travail a permis de discuter ouvertement des méfaits d'une standardisation à outrance, auprès de divers interlocuteurs de l'entreprise.
Ces réflexions se poursuivent. Une veille attentive d'un certain nombre d'acteurs - au sein même de l'entreprise, dans le champ de l'ergonomie et de l'ingénierie - des conséquences des évolutions du travail et de son organisation sur les opérateurs et leur santé est à l'oeuvre.
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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Dates et versions

halshs-00604754 , version 1 (11-07-2011)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00604754 , version 1

Citer

Karine Chassaing. Former pour faire de la qualité : quelle reconnaissance pour les gestes professionnels ? : Un exemple dans le secteur de l'industrie automobile. Troisième Congrès francophone sur les troubles musculosquelettiques (TMS). Échanges et pratiques sur la prévention / Organisé par l'Anact et Pacte, May 2011, Grenoble, France. ⟨halshs-00604754⟩

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