La pantomime, lieu de passage entre le réel et le poème, dans le « théâtre de verdure » de René Char
Résumé
Loin de constituer une part mineure de l'œuvre de Char, son « théâtre de verdure » permet de s'interroger sur la relation entre la poésie et le théâtre et révèle particulièrement que la scène est un miroir de concentration des thèmes, formes, structures de la poésie charienne. La poésie tendue de René Char passe très bien la rampe et prouve même son efficacité comme écriture du conflit dramatique. En 1948, à la mort d'Artaud, Char lui rend hommage en ces termes : « Tu n'as pas besoin d'un mur de mots pour exhausser ta vérité ». Plus tard, il réaffirme cette réticence à l'égard du discours, à propos de Victor Hugo, « barnum hâbleur » : « Sur sa silhouette géante, on baye, on admire, on pouffe, on se fâche, on tempête, on se déclare pour la pantomime ». Justement, il s'agit d'une part d'envisager la pantomime comme incarnation et animation du verbe poétique, version plastique de l'imaginaire poétique - thèmes et structures - et d'autre part de montrer que la pantomime fait, selon le poète, « affleurer » sur la scène des « indices de littérature », le poème en gestation, le cheminement de l'événement - ici geste, posture - au signe. En effet, la pantomime présente un corps tendu souvent jusqu'au paroxysme. La force malmenant la forme manifeste dans ce corps la puissance du désir, l'énergie de la rencontre qui déclenche « le surgissement du Grand Réel ». Alors, la pantomime rend sensible et visible l'articulation de la trace et du signe, elle met en scène le passage de la force à la forme en quête de sens. La pantomime opère un glissement du réel en voie de symbolisation à l'image poétique et peut, à ce titre, constituer le lieu de passage entre le réel et l'écriture poétique.
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