La petite monnaie du colporteur d'images, Guy Goffette (Prose et poésie) - HAL Accéder directement au contenu
Article dans une revue Littératures Année : 2007

La petite monnaie du colporteur d'images, Guy Goffette (Prose et poésie)

Résumé

L'originalité de la poésie de Guy Goffette tient en partie au fait que l'image y est souvent imagerie. Guy Goffette, enlumineur, imagier, illumineur, nous paie en petite monnaie d'images, en puisant volontiers à une source d'images accessibles au plus grand nombre, à un univers visuel familier - dont la cuisine de province est un exemple - composant souvent des sortes de vignettes, en style fruste, avec une économie de moyens, comme Bonnard lisant « La Fontaine, qu'il n'a pu s'empêcher d'illustrer de petites vignettes cocasses sur son vieil exemplaire ». Goffette écrit souvent des vers de mirliton qui réussissent pourtant cette gageure de nous accrocher, de nous combler, de nous laisser « comme deux ronds de flan », malgré leur air de rien. De fait - pour la plus grande jubilation du lecteur - le poème est un capharnaüm comme la maison de la Monette, comme le bric-à-brac de brocanteur qu'est la maison de Simon, comme le village « plusieurs fois refait de bric et de broc, au petit bonheur la chance, comme ces « amours // de bric et de broc, toujours / plus ou moins contrariées, // avec lesquelles chacun de nous / comble comme il peut les fissures // de sa vie ». Goffette apprécie la peinture de Bonnard : «Les objets les plus humbles y gagnent une manière de grandeur : la T.S.F. sur la cheminée, le placard rouge, le radiateur ». Et la version de l'humble chez Goffette veut que disparaisse souvent la hiérarchie entre le bon goût et le mauvais, entre l'image précieuse, discrète, énigmatique et l'image de réclame, voyante, voire kitsch, presque tape-à-l'œil. Alors, petit ou grand, humble ou sublime, c'est « kif kif bourricot », et le poème trouve son énergie dans cette fraîcheur lexicale, iconographique, cette capacité à « répondre du tac au tac », à improviser à « tire larigot ». Même si Goffette n'y va pas « avec le dos de la cuillère », ça marche « comme sur des roulettes ». Le pot pourri des images est au service de l'invention de la forme et du renouvellement des images, de la refonte du lexique poétique, le poète puisant pourtant dans le fonds d'images de l'Eden perdu. De fait, l'image paraît véritablement ici le moyen non tant de retrouver l'enfance que d'« opposer à l'angoisse » un écran qui en masque l'origine. On pourrait sans doute commenter la démarche de Goffette avec les mots qu'il prononce à l'occasion d'un commentaire de la poésie de Lionel Ray : « La nostalgie de l'enfance n'a rien à voir avec le sentimentalisme : chacun vit et meurt de son enfance. Il s'agit bien plutôt de la nostalgie de pouvoir créer le monde rien qu'en le nommant, et, ainsi, de s'assurer de son existence. Aussi le nom apparaît-il ici, dans son harcèlement continuel, plus comme une blessure ouverte, l'« effigie » d'un manque, une sourde inquiétude que comme une perte irrévocable. C'est un appel à l'avenir, un appel d'incendie, non une source de regrets et de lamentations. [...] Le passé au futur se mêle, fait vibrer le présent. » Toujours à propos de Lionel Ray, Goffette souligne « cet étonnement de se trouver dans les mots sans cesse autre, nouveau, vivant». L'image à son tour « effigie d'un manque », marque l'inquiétude mais impose la dérision par rapport à ce doute même.
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Dates et versions

halshs-00517541, version 1 (14-09-2010)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00517541 , version 1

Citer

Mireille Raynal-Zougari. La petite monnaie du colporteur d'images, Guy Goffette (Prose et poésie). Littératures, 2007, 57, pp.31-53. ⟨halshs-00517541⟩
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Dernière date de mise à jour le 06/04/2024
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