« Le chien noir de l'idée ». Image, cognition et pensée chez Marguerite Duras - HAL Accéder directement au contenu
Chapitre d'ouvrage Année : 2008

« Le chien noir de l'idée ». Image, cognition et pensée chez Marguerite Duras

Résumé

Notre intervention envisage la confluence du texte de Duras avec les courants de pensée contemporains orientés vers les sciences cognitives. Cette contribution aux études durassiennes tente une approche cognitive de la notion d'image, dans cette écriture où l'image est primordiale. Cette communication cherche à définir le rôle de l'image dans les mécanismes cognitifs et dans l'élaboration de la pensée. Une question cruciale est de savoir si on peut penser sans représentation, hors de la représentation ? Peut-on penser sans le recours aux images ? Quel est le statut de l'image dans la cognition (travaux de Michel Denis) ? L'image est-elle bien un instrument de figuration de la signification, un instrument cognitif ? On interrogera donc le passage du visuel à l'idée. Comment le cerveau de Marguerite Duras fonctionne-t-il ? Comment la réalité (le chien noir rencontré sur une plage par exemple) passe-t-elle par le cerveau pour devenir image puis idée (« le chien noir de l'idée »). Si penser c'est faire l'économie de l'épreuve du réel, comment les processus de cognition sont-ils présents dans l'écriture, pour montrer à la fois la force de cette épreuve de la réalité et son détachement en une pensée abstraite : comment soudain, grâce à une écriture originale, la chose se dégage-t-elle de notre perception et devient-elle hors de nous, autonome, une idée (le chien noir de l'idée) ? Comment Duras constitue-t-elle des signes qui pourraient faire sens, des instruments servant à catégoriser le monde ?. Comment réduire l'infini à du fini ? En suivant quelques objets favoris de Duras, qui deviennent des images récurrentes (chien noir, plage, mouette, objet atlantique), voyons comment des instruments de pensée, voire des modèles de pensée peuvent se constituer. Comment le chien noir devient-il idée, devient-il pensée universalisable, par quels mécanismes dans le texte et entre les textes Duras produit-elle des modèles de pensée, sans donner le sens. Dans cette écriture, se développe dans le texte et entre les textes un code durassien qui privilégie un objet, une situation prélevés dans l'expérience et mis en image, qui les insère dans un contexte – contexte propice à l'émergence d'une idée -, et qui en fait une catégorie reconnaissable par le lecteur qui peut alors développer une pensée de ces images. De plus, la lecture relève d'un stockage d'informations permettant d'avancer d'un acquis vers une nouvelle image et une nouvelle pensée. Une mémoire s'élabore, d'éléments de plus en plus conscients, qui entrent dans une dynamique. Le lecteur identifie une structure logique des occurrences et, à partir de là, produit une cognition et une interprétation. Dans le cadre d'une théorisation contemporaine de l'image, comment les sciences cognitives réévaluent-elles l'apport de l'image dans la cognition, comment l'image mentale émerge-t-elle à partir des mécanismes perceptifs et comment les opérations cognitives élémentaires se mettent-elles en place à partir de l'expérience ? Les sciences cognitives offrent de nouvelles perspectives permettant de penser la relation entre expérience corporelle et figuration d'une pensée. L'écriture discontinue de Duras montre comment on passe d'une expérience sensorielle, de la confusion des sensations à une image et à une pensée. Plutôt que nous interroger sur ce qu'elle pense et à partir de quels courants de pensée contemporains elle se situe nous voudrions savoir comment elle pense et comment s'articulent chez elle les faits, la représentation mentale (image) et la cognition. Comment le texte passe-t-il de l'expérience émotionnelle au conceptuel, de la perception à la cognition ? L'originalité du texte de Duras réside peut-être moins dans le fait qu'il montre une pensée et une pensée qui évolue, que le mécanisme de construction de cette pensée, le traitement de l'information par le cerveau : pas de « fantôme dans la machine ». Mais une autre question se pose : la réalité n'est-elle pas encore plus complexe, qui montre que la cognition peut aussi se passer de l'image et reposer sur le verbal, le langage, sa configuration, son arrangement. Il s'agit donc aussi de décomposer les mécanismes cognitifs pour réévaluer la relation entre image, cognition et langage. Y a-t-il chez Duras une pensée de l'image ? Ya-t-il une pensée avec l'image, ou aussi une pensée contre l'image et une pensée sans image. Bien sûr, l'écriture durassienne dépend beaucoup de la transposition d'une image, instrument de cognition, mais aussi bien peut-on suggérer que lorsque Duras voit, elle ne pense pas, voire, elle n'écrit pas, et que lorsqu'elle écrit, elle ne voit pas et il se peut même qu'elle ne pense pas. Marguerite Duras pense-t-elle, alors que « ce que d'ordinaire on a dans l'esprit, elle l'a dans la bouche » - L'Homme assis dans le couloir?
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Dates et versions

halshs-00517534, version 1 (14-09-2010)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00517534 , version 1

Citer

Mireille Raynal-Zougari. « Le chien noir de l'idée ». Image, cognition et pensée chez Marguerite Duras. Marguerite Duras et la pensée contemporaine, Romanica gothoburgensia, Acta universitatis Gothoburgensis / Göteborg (Suède), pp.195-206, 2008, 978-91-7346-616-5. ⟨halshs-00517534⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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