Du voyage comme terrain et du voyage sur le terrain. Une itinérance entre expérience et récit - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2008

Du voyage comme terrain et du voyage sur le terrain. Une itinérance entre expérience et récit

Résumé

Cette proposition tente de faire état d'une réflexion, toujours en cours, sur la porosité entre des thématiques de recherche – ici les questions de migration et de mobilités – et la réflexion et la pratique de terrain dans le contexte du Niger et du Burkina Faso.

Pourquoi employer le terme de porosité ? L'un des fils conducteurs de ma réflexion sur migration et mobilités est de s'interroger sur la place et les sens de la route, du voyage dans ces pratiques spatiales. L'ensemble des terrains s'est déroulé au Niger et au Burkina Faso, me plaçant moi-même dans une situation de voyage, de déplacement et plus récemment de migrante (avec une position privilégiée, celle d'expatriée). Cette collusion pose question dans la mesure où elle met en jeu autant la position de chercheur que la réflexion et la production scientifique. L'attitude réflexive porte alors autant sur le terrain et sa dimension spatiale – quelle dimension spatiale donner au voyage ? – que sur la position du chercheur sur le terrain – travailler dans des anciennes colonies françaises - et sur le récit à donner à la fois à cette pratique et à ces expériences – scientifiques, de terrain, personnelles. Je ne reviendrai pas ici sur les dimensions qui touchent aux rapports coloniaux et de domination, dans la mesure où elles sont maintenant relativement bien balisées, pour m'attarder plutôt sur la dimension spatiale du terrain et le récit construit, ces deux moments étant indissociables.

Dans cette démarche réflexive, je déclinerai la figure de l'itinérance en l'abordant comme un jeu entre la distance et l'écart. L'orientation vers cette figure de l'itinérance est guidée autant par les thématiques de recherche, le voyage et la mobilité, que par la pratique et la définition du terrain. En effet, sous ce terme terrain, terme aussi vague que polysémique, j'entends à la fois l'espace, le contexte dans lequel s'effectue le recueil de données que le passage à l'écriture et le discours scientifique lui-même. Au final, dans notre pratique, le terrain serait ce qui peut faire l'objet ou plutôt être le sujet d'une position réflexive. Cette définition très large a pour vocation de mettre en avant le fait de ne pas se départir de cette attitude quelque soit la nature et le moment de notre activité de recherche. Pour des questions analytiques, je déclinerai successivement cette figure de l'itinérance selon trois étapes : la pratique du terrain, la mise en forme des données, le passage au récit. Il est nécessaire de garder à l'esprit, qu'il s'agit plus de rythme – rythme de la recherche, rythme des sujets – que d'étapes clairement distinctes.

Dans la pratique du terrain, comment la position d'étranger du chercheur entre-t-elle en dialogue avec celle du migrants lui-même, qui est pourtant le sujet ? Le voyage, le mouvement mettent en jeu la distance et l'écart : cette mise en jeu touche autant le chercheur que les voyageurs mais selon des modalités différentes. En effet, la gestion de la distance est dépendante des métriques propres à chaque société : le chercheur se trouve pris dans cette double nécessité de faire appel à son propre système de métrique pour se positionner et en même d'être dans une situation d'empathie, de compréhension par rapport l'autre. Ce dernier se trouve, quant à lui, « contraint » de s'ouvrir à ce double étranger (étranger par rapport à soi, étranger par rapport à l'espace et à la société d'accueil). De la même manière, le chercheur construit un écart vis-à-vis des réalités sociales et spatiales d'appartenance dans une logique d'empathie, de réduction d'écart vis-à-vis des réalités sociales et spatiales du sujet. Quels sont les processus à l'œuvre dans ce dialogue qui se construit à différents niveaux, en fonction des locuteurs et des situations ? En quoi la figure de l'itinérance rend-elle compte à la fois des dimensions spatiales du voyage et de ces situations dialogiques ?

La mise en forme des données comme le passage au récit peuvent s'envisager comme un processus inverse : une poursuite du voyage et des dialogues mais dans un sens contraire. Dans ces abris que sont les laboratoires de recherche, carnet de terrain, transcription d'entretiens... sont retravaillés, repris, placés en quelque sorte à l'épreuve des théories et de la réflexion. Ainsi, comment la mise en lien des données de terrain et du discours théorique constitue-t-il une reconstruction de la réalité ? Au final quel forme donner au récit pour qu'il soit à même de dire les logiques de terrain et à même de conférer du sens à ce même terrain ? Si l'idée de dialogue se retrouve également à ce niveau, il apparaît indispensable de réfléchir à la forme du discours produit : l'écrit montre ses limites en ce qu'il oblige à la succession. Les cartes ont montré aussi leurs limites. Il nous apparaît que cette réflexion sur la forme du récit devrait s'inspirer d'autres domaines, le roman ou la poésie par exemple, domaines où la superposition, l'emboîtement des niveaux de récit ont déjà été expérimentés.

La présentation de cette réflexion peut sembler bien mécaniste : le texte échouant à montrer l'emboîtement, l'imbrication des différents niveaux et l'instantanéité de certaines situations.

Si un retour sur la position du chercheur, comme sur le statut de l'écriture scientifique, à partir de nos propre expérience de recherche, apparaît indispensable, le risque est qu'il impose le silence. La figure du Sophiste proposée par P. Rabinow dans un texte de 1985, semble, à bien des égards être la plus réjouissante. Avec l'éthique comme principe directeur, elle propose de jeter un regard conscient et ironique sur le monde, sur notre travail, permettant alors une liberté d'écriture et de parole.

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halshs-00404672 , version 1 (16-07-2009)

Identifiants

Citer

Florence Boyer. Du voyage comme terrain et du voyage sur le terrain. Une itinérance entre expérience et récit. A travers l'espace de la méthode : les dimensions du terrain en géographie, Jun 2008, Arras, France. ⟨halshs-00404672⟩
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