Y a-t-il une place pour le bois dans la rivière aménagée ? - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2005

Y a-t-il une place pour le bois dans la rivière aménagée ?

Yves-François Le Lay

Résumé

Après avoir présenté le bois mort de la rivière sous ses différentes formes (élément isolé ou embâcle), cette communication a pour objectif de reconnaître les processus mentaux de valorisation et de dévalorisation des débris ligneux dans le cadre de la mise en valeur et de l'abandon des cours d'eau, et de mettre en perspective le paradoxe auquel font face aujourd'hui les gestionnaires.
Les entrées de bois mort dans la rivière sont croissantes et suscitent une inquiétude. D'une part, des travaux concernant l'évolution de l'occupation des sols sur des parcelles riveraines ont mis en évidence une déprise agraire effectuée à la faveur de l'exode rural. Les parcelles inondées ayant été négligées, une fermeture progressive du paysage a été constatée. Cette dynamique progressive a entraîné non seulement une augmentation des surfaces boisées, puis un vieillissement de la ripisylve, mais aussi une augmentation de la production des débris ligneux et donc celle des entrées de bois mort dans le cours d'eau. D'autre part, les rivières sont de moins en moins entretenues. Le propriétaire est connecté aux différents réseaux d'adduction d'eau potable, d'assainissement, d'évacuation des déchets ou encore d'énergie. Le cours d'eau, hier ressource pour le propriétaire du lit, devient souvent une contrainte. Le riverain n'a plus intérêt à l'entretenir et d'ailleurs ne l'entretient plus malgré la législation actuelle. Ceci pose le problème de la gestion du bois mort dans le cadre de l'entretien des rivières.
Une mise en perspective historique est effectuée. Un dispositif législatif, dont le succès a été inégal dans le temps et dans l'espace, a accompagné les mutations socio-économiques et environnementales. Après la diversité des coutumes médiévales et l'abolition de la féodalité, les législateurs ont subordonné l'usage des petits cours d'eau à leur entretien. Les hésitations et confusions, concernant la mise en œuvre du curage par le meunier ou le riverain, l'appartenance de l'initiative des travaux au préfet ou au maire, le poids des usages locaux face à la législation nationale, ont été atténuées par la loi sur les associations syndicales de 1865 et celle sur le régime des eaux de 1898. Pour autant, l'entretien de la rivière a été peu à peu négligé, en particulier avec l'abandon des moulins, les départs pour la Grande Guerre et les modernisations qui ont suivi 1945. En outre, une étude des représentations iconographiques de nature et d'époque diverses (peintures, gravures, dessins...) indique que les débris ligneux sont largement pourvus d'une charge sensible négative dans l'imaginaire collectif. Certes, l'arbre et la rivière vont facilement de pair dans les images, tant ce paysage donne à voir les deux voies de la condition humaine : le voyage et l'enracinement. Mais, s'il peut dynamiser l'adversité des hommes en faisant du cours d'eau une école de l'effort, le bois mort reste considéré comme un corps étranger à la rivière qu'il enténèbre, salit ou mélancolise par l'image obsédante du noyé ou celle de la mort.
Le paradoxe du gestionnaire actuel est le suivant : malgré les risques localisés liés aux embâcles (débordements, rupture des ponts, sapement latéral des berges), les scientifiques ont montré quel intérêt présente le bois mort dans les écosystèmes aquatiques, notamment en terme de diversification des habitats ou de potentialités piscicoles. Or, une enquête à l'échelle internationale (Amérique du Nord, Europe, Japon) montre que les paysages de rivière avec bois mort sont perçus comme plus dangereux, moins esthétiques et nécessitent une intervention humaine pour nettoyer le cours d'eau. De plus, des différences existent d'une culture à l'autre, ce qui souligne notamment le poids de l'histoire et de l'affectif. Dans le cadre de la réappropriation actuelle de certaines rivières, ces résultats démontrent la pertinence d'une meilleure diffusion des résultats des travaux scientifiques, ainsi que la nécessité d'une sectorisation de l'entretien de la rivière afin de sécuriser les espaces porteurs d'enjeux et de préserver le bois mort quand sa présence n'est plus néfaste.

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halshs-00366902 , version 1 (09-03-2009)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00366902 , version 1

Citer

Yves-François Le Lay. Y a-t-il une place pour le bois dans la rivière aménagée ?. La rivière aménagée : entre héritages et modernité. Formes, techniques et mise en œuvre., Oct 2004, Orléans, France. pp.437-458. ⟨halshs-00366902⟩
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