Le « dialogue des cultures » : une vraie-fausse réponse à l'autoritarisme.
Résumé
The culturalist approach and treatment of international tensions in general, and that of the violence labelled "terrorism" in particular, such as used in the many « Dialogues of cultures » forums or seminars, contains several paradoxes. The mere fact that it functions in the frame of the different cultural belongings of the participants tends to strengthen these belongings rather that minimize them (I). The emphasis given to the cultural, linguistic or religious background of political activists often fuels as well a tendency to conceal the mere political causes of world tensions. And it may endorse a very biased distribution of responsibilities : the « disease » or the (Islamic) culture of the other is often used to explain the difficulties of co-existence with him, therefore delaying the quest for realistic political solutions (II). Identifying the ways and the means of expression of the cultural diversity and its impact on politics can nevertheless be a fruitful perspective for cooperation as long as cultural specificities are not mistaken with an antagonism in the field of humanistic values (III).
La centralité acquise par le « dialogue des cultures » ou « des civilisations » comme instrument des relations internationales invite à s'intéresser aux conditions de son fonctionnement par rapport aux objectifs qui lui sont assignés. Né dans les registres de la sociologie coloniale il est demeuré longtemps dans le giron du discours savant avant de devenir la référence omniprésente du dispositif de communication et de « socialisation » entre le Nord et le Sud, en général, l'Occident et le monde musulman en particulier. Sa mobilisation est à la fois tardive et sélective : c'est seulement depuis les attentats du 11 septembre 2001 que, dans les espaces laissés accessibles par les méthodes de la global war on terror les Etats ont commencé à lui assigner la mission essentielle d'exorciser ce « choc » qui doit survenir, si l'on accepte la configuration explicative suggérée et popularisée par le politologue américain Samuel Huntington, non point entre des appétits territoriaux simplement nationalistes ou des intérêts trivialement financiers mais entre des « religions », des « cultures » ou, plus globalement encore, des « civilisations » et leurs « valeurs » implicitement réputés antinomiques. Les efforts dialoguistes semblent ensuite être plus ou moins réservés à une seule catégorie de violence : celle que les attentats du 11 septembre 2001 et la rhétorique du réseau al-Qaïda ont mise en œuvre et qui est considérée comme une sorte d'archétype de la dérive sectaire de la religion musulmane contre la « civilisation occidentale ».
L'approche et le traitement culturalistes des tensions internationales, en général, et de la violence dite « terroriste », en particulier, recèlent ainsi plusieurs paradoxes. En se coulant dans le moule des appartenances culturelles, ils peuvent contribuer à crédibiliser les différences culturelles (que les acteurs sont invités à « respecter » plus qu'à relativiser), qu'ils devraient tout autant aider à dépasser (I). L'insistance accordée au registre culturel participe d'un mécanisme d'occultation des causalités politiques de tensions. Elle cautionne souvent de ce fait une distribution très unilatérale des responsabilités (les « maladies » de la culture de l'Autre suffisant à expliquer les difficultés de notre coexistence avec lui) qui retarde d'autant l'adoption de solutions réalistes (II). L'inventaire raisonné des formes et des terrains d'expression de la diversité des cultures n'en conserve pas moins tout de même une portée intéressante. Une telle entreprise doit toutefois se dissocier clairement de toute extrapolation de la portée de la différence culturelle au terrain des valeurs (III).
L'approche et le traitement culturalistes des tensions internationales, en général, et de la violence dite « terroriste », en particulier, recèlent ainsi plusieurs paradoxes. En se coulant dans le moule des appartenances culturelles, ils peuvent contribuer à crédibiliser les différences culturelles (que les acteurs sont invités à « respecter » plus qu'à relativiser), qu'ils devraient tout autant aider à dépasser (I). L'insistance accordée au registre culturel participe d'un mécanisme d'occultation des causalités politiques de tensions. Elle cautionne souvent de ce fait une distribution très unilatérale des responsabilités (les « maladies » de la culture de l'Autre suffisant à expliquer les difficultés de notre coexistence avec lui) qui retarde d'autant l'adoption de solutions réalistes (II). L'inventaire raisonné des formes et des terrains d'expression de la diversité des cultures n'en conserve pas moins tout de même une portée intéressante. Une telle entreprise doit toutefois se dissocier clairement de toute extrapolation de la portée de la différence culturelle au terrain des valeurs (III).
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