L'approche paysagère : un outil polyvalent au service de l'approche opérationnelle et interdisciplinaire des problématiques environnementales - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2008

L'approche paysagère : un outil polyvalent au service de l'approche opérationnelle et interdisciplinaire des problématiques environnementales

Pierre Dérioz
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 843594

Résumé

Tout à la fois concept fondateur et objet scientifique longtemps controversé au sein de la géographie française, le paysage fait aujourd'hui incontestablement partie des thèmes d'étude majeurs de la discipline (plus de 80 thèses soutenues entre 1998 et 2008 y font explicitement référence (Fourault-Cauët, 2007)), en bonne partie parce que la demande sociale en la matière est forte, tant sur le plan des appels d'offres de recherche nationaux que sur celui des besoins des collectivités locales et territoriales. Pour autant, la question de la définition scientifique du paysage fait encore souvent l'objet, dans ces multiples travaux, de développements introductifs un peu embarrassés par l'apparente polysémie du terme, laquelle découle principalement de deux pôles entre lesquelles semblent osciller ses définitions, d'une part combinaison localisée de caractères matériels « objectifs », visibles, et éventuellement mesurables, regard subjectif posé sur l'environnement par les individus et par les groupes sociaux d'autre part.
Par ailleurs, s'il relève à coup sûr du champ disciplinaire de la géographie, le paysage ne lui appartient pas de manière exclusive, et une rapide exploration bibliographique révèle qu'un grand nombre de sciences très diverses s'y sont également intéressées : plusieurs auteurs, dès lors, regardent la thématique paysagère comme une charnière privilégiée entre les sciences de la nature et celles de la société, avec toutes les difficultés d'ordre sémantique et méthodologique que comporte le « passage de frontières » (disciplinaires), et la nécessaire dialectique entre assise disciplinaire et construction interdisciplinaire qui en découle.
A la suite de Georges Bertrand, qui préconise d' « exalter la polysémie » qui est « la spécificité et la richesse » du paysage, notre parti pris est de considérer que tout l'intérêt de ce concept réside dans sa dualité, ou plus précisément dans sa position à l'interface entre les systèmes environnementaux, dont il représente une traduction multisensorielle directement perceptible, et les représentations individuelles ou collectives concernant l'environnement lui-même, mais aussi les rapports sociaux, les stratégies et les projets qui s'y déploient. Dans son acception la plus large, la notion de paysage offre ainsi une remarquable opportunité de transgression, depuis la traduction perceptible de la réalité géographique, produite par l'interaction entre les processus physiques spontanés et les conséquences matérielles des décisions sociales, jusqu'aux chaînes cognitives, du sensoriel au culturel en passant par le psychologique, qui ancrent ces décisions dans nos manières d'appréhender notre environnement. Cette posture implique évidemment de ne pas considérer que le "paysage" existe seulement là où d'opportuns points de vue permettent de le saisir dans une globalité satisfaisante, et là où l'évolution culturelle a engendré le mot pour désigner ces vues organisées : il y a potentiellement du paysage partout et tout le temps, même lorsqu'il n'est pas regardé comme tel par les acteurs, et même si c'est en définitive l'intervention du chercheur qui vient constituer en "paysages" des configurations territoriales particulières et les représentations sociales qui leur sont liées.
Il n'est cependant pas question ici d'une étude "académique" du paysage pour lui-même : la démarche scientifique à visée opérationnelle dont traite cette communication s'efforce au contraire de mobiliser le paysage comme source d'information synthétique sur les transformations des territoires, et de l'analyser en tant qu'élément actif du système territorial, contribuant à ses propres mutations dans la mesure où les significations et les valeurs que lui attribuent chacun des groupes d'acteurs conditionnent pour partie leurs décisions en matière de protection, de gestion ou d'aménagement de leur environnement. Correctement interprétés, traits et caractères des physionomies paysagères deviennent des indicateurs qui révèlent le territoire, et enregistrent en continu les effets de ses dynamiques spatiales et sociales : les significations qu'il revêt confèrent au paysage un rôle d'outil au service du développement territorial, outil de diagnostic et de suivi, outil d'évaluation, mais aussi outil de mobilisation des acteurs et d'animation dans le cadre de démarches participatives.
Même s'il est possible de développer des discours savants sur le paysage, il demeure en effet d'abord un objet commun, partagé par tous les acteurs d'un territoire - en dépit de lectures interprétatives et de projections divergentes -, et légitimé en tant qu'objet d'étude par une demande sociale confuse et multiforme, mais incontestable. Par sa trivialité même, il se prête à l'échange, au débat, à la confrontation des points de vue ; mais dans le même temps, il contraint la réflexion collective à remonter jusqu'aux rouages du système territorial qui l'engendre, et à retrouver, derrière le paysage, les problématiques environnementales, socio-économiques et culturelles qui structurent et déterminent le territoire. Au plan scientifique, son caractère d'objet partagé entre de nombreuses disciplines (géographie, écologie, paysagisme, urbanisme, droit, histoire...) favorise les échanges interdisciplinaires ; le choix délibéré de la recherche – action, indissociable de l'expression d'une commande émanant d'acteurs locaux associés à la démarche, permet de relativiser l'éternelle question de sa définition et de sa pertinence en tant qu'objet de recherche : dire ce qu'est le paysage, et réfléchir à la manière dont il doit être abordé, représentent deux passages obligés d'une approche concertée, et autant que possible pluri-disciplinaire. Il n'existe donc pas à proprement parler de « méthode paysagère », mais plutôt une gamme très ouverte de démarches, qui s'inscrivent toutes dans la dualité et la complexité du paysage, mais adaptent outils et progression – et ajustent les définitions des principaux concepts – en fonction des thématiques, des enjeux, des objectifs, des échelles et des contextes territoriaux, des partenaires mobilisés et, le cas échéant, de la diversité des disciplines scientifiques représentées.
Cette réflexion, qui se place dans le prolongement de plusieurs programmes de recherche opérationnelle ayant mobilisé le paysage au service d'une demande sociale, selon des modalités diverses (diagnostics de territoire, évaluation et dispositifs de suivi, mobilisation des acteurs locaux, formations, élaboration de projet de territoire (charte)...), à des échelles différentes, et en lien avec des thématiques variées, s'appuie plus particulièrement, à titre d'exemple sur la réalisation du diagnostic paysager du PNR du Haut-Languedoc, préalable à la révision de sa Charte.
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halshs-00363625 , version 1 (23-02-2009)

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  • HAL Id : halshs-00363625 , version 1

Citer

Pierre Dérioz. L'approche paysagère : un outil polyvalent au service de l'approche opérationnelle et interdisciplinaire des problématiques environnementales. L'approche paysagère : un outil polyvalent au service de l'approche opérationnelle et interdisciplinaire des problématiques environnementales, Jun 2008, Nîmes, France. doc ument de 23 p. incorporé à un CDrom. ⟨halshs-00363625⟩
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