Les petits ruisseaux font les grandes montagnes. Une géographie en devenir : la preuve par le texte. - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2013

Les petits ruisseaux font les grandes montagnes. Une géographie en devenir : la preuve par le texte.

Yann Calberac
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Résumé

Dans le vaste corpus reclusien, L'histoire d'un ruisseau et L'histoire d'une montagne occupent une place marginale et restent, en dépit des rééditions successives, encore peu connues des géographes. Rédigés à onze ans d'intervalle, ces deux textes présentent de nombreux traits communs (genre inclassable, qualités littéraires et pédagogiques, public visé) qui les singularisent du reste de l'abondante production d'Elisée Reclus. La décision de la ville de Paris d'en faire les ouvrages de prix pour les écoliers méritants conforte ces livres au rang de la simple littérature enfantine et les prive du juste écho qu'elles méritent auprès des scientifiques : Montagne et Ruisseau traversent le temps avec un statut d'œuvre mineure.

L'histoire d'un ruisseau est publiée chez Hetzel en 1869, quelques mois avant la parution de La Terre, premier grand traité de géographie physique régionale de Reclus. En 1880, Hachette (qui a racheté Hetzel) publie Histoire d'une montagne à l'époque où, après le succès des Guides Joanne auxquels il collabore, et alors que, communard banni, il choisit la Suisse pour terre d'exil, Reclus commence à rédiger son œuvre monumentale, La Nouvelle géographie universelle. Ces deux textes sont donc produits au moment où la pensée d'Elisée Reclus atteint sa pleine maturité ; aussi, leur statut d'œuvre mineure et secondaire mérite d'être discuté.

De nombreuses lectures de ces deux textes ont été menées, tantôt pour souligner leurs qualités littéraires, tantôt le message libertaire et social qu'ils véhiculent. On a ainsi souvent loué la précision des descriptions, la finesse des analyses ou souligné les qualités pédagogiques de Reclus qui, en rédigeant des textes simples, loin du ton académique, voulait s'adresser au plus grand nombre et instruire le peuple. Ces analyses, si elles sont justes, se font au détriment d'une lecture géographique, pourtant légitime, de ces deux textes.

Elisée Reclus a une conception totale de la géographie : la description, la recherche des causes, l'engagement politique et l'éducation des masses ne font qu'un, et se cristallisent dans l'écriture et ses modalités. Ecrire relève aux yeux de Reclus d'un engagement politique et disciplinaire. En faisant de l'écriture reclusienne un objet d'analyse, il est alors possible de reformuler les paradigmes qui fondent et légitiment sa démarche géographique.

Cette communication aura donc pour but d'analyser dans ces deux textes l'écriture reclusienne et ses modalités textuelles. Par une analyse des procédés d'écriture, Le ruisseau et La montagne peuvent être interrogés comme des textes scientifiques, c'est-à-dire porteurs d'un contenu cognitif (qu'il faut évaluer et resituer dans le contexte scientifique de l'époque) et révélateurs de la conception et des finalités que Reclus assigne à la géographie. Une mise en lumière des méthodes et des questionnements qui président à leur rédaction est ainsi rendue possible : L'histoire d'un ruisseau et L'histoire d'une montagne nous montrent la fabrique du texte et des savoirs géographiques. Plus largement sont questionnées la place et la fonction de la géographie comme science dans la société française de la fin du XIXe siècle.

Au travers de l'écriture, cette communication abordera notamment les paradigmes reclusiens, le fonctionnement de la description paysagère, les principes de causalité et d'explication des phénomènes observés, les influences de la géographie et de l'écologie allemande (et le rôle de passeur disciplinaire qu'a joué Reclus), la place du terrain, et le statut de la restitution scientifique. S'interroger sur l'écriture d'Elisée Reclus, géographe de plein vent formé aux humanités, sensible aux paysages et à l'empreinte spatiale de l'histoire, permet donc d'envisager sous un angle nouveau la question des ruptures et continuités avec la géographie faite par Vidal de La Blache et ses disciples.
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  • HAL Id : halshs-00359216 , version 2

Citer

Yann Calberac. Les petits ruisseaux font les grandes montagnes. Une géographie en devenir : la preuve par le texte. : Communication au colloque "Elisée Reclus et nos géographies : textes et prétextes", Lyon, septembre 2005.. Reclus et nos géographies : textes et prétextes, Sep 2005, Lyon, France. p. 173 à 182. ⟨halshs-00359216v2⟩
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