Peut-on parler d'art mongol ? - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2008

Peut-on parler d'art mongol ?

Résumé

May we speak of Mongol art?
Mongol images and monasteries from the 16th to the early 20th century
Isabelle Charleux

This paper addresses the twin issues of the status and the “nationality” of artists and artisans in traditional Mongol society, especially in the religious sphere. In particular, it examines the role of foreign artisans in the religious production, and therefore raises the question of the very existence of a purely Mongol religious art.
The 16th century Buddhist revival and the subsequent rapid growth of the Mongol religious institution created a new demand for temples, images, paintings, and other religious paraphernalia. At first, images were offered by Tibetan monasteries and the Chinese court to the Mongols; at the same time Chinese immigrants built temples and palaces at the Southern Mongol princely courts. Subsequently, painting and sculpture workshops developed in Mongolia, and the monks themselves learnt painting and architecture in Buddhist academies. Some of them, such as Zanabazar, became famous polyvalent artists. Other were not artists but nonetheless managed artistic production by commissioning works and supervising artists in the strict respect of Tibetan iconometry.
But, besides the Mongols progressive rise in the process of artistic production, there also existed differences in status between different productions. Painting, wooden, clay and papier-mâché statues were locally made by monks or lay artists, while bronze statues were made in professional workshops or by itinerant craftsmen. Chinese craftsmen, especially metalworkers and carpenters, but also painters, were numerous in Southern Mongolia. The growing demand in construction, statues and ritual objects attracted craftsmen from Northern China. At first, they were itinerant, and later they settled near monasteries.
The production of large copper and bronze statuary, which requires a high degree of specialisation and the participation of numerous artisans, was not really suited to pastoral nomadism. Workshops organised in corporations developed during the 17th century. Mongols were first numerous in this art, but Chinese craftsmen replaced them in the 18th and 19th centuries. The famous workshops of Dolonnor and Beijing exported large bronze images to Mongolia, Buriatia, China and Tibet. Kökeqota and Urga had a more local production. Buddhist statuary was therefore the object of trade and exchange in all the Tibetan Buddhist world. Did the competition of Chinese craftsmen in the 18th and 19th centuries contribute to the decline of domestic production? May religious art objects produced by Chinese artisans for their Mongol patrons be considered Mongol?
A partir de quelques exemples précis, nous poserons dans cet article la question du statut de l'artiste et de l'artisan dans la société mongole ancienne, et de leur adaptation à la demande l'icônes et d'objets bouddhiques. Nous soulèverons enfin la question de la part des artisans chinois dans une production religieuse contrainte par l'iconométrie tibétaine, et donc de l'existence d'un art religieux proprement mongol.
La réintroduction du bouddhisme en Mongolie au XVIe siècle et la croissance rapide de l'institution religieuse entraîna une demande nouvelle en statuaire, peinture, architecture et objets de culte. Dans un premier temps, les icônes étaient offertes par les monastères tibétains et la cour chinoise, tandis que l'on employait les Chinois qualifiés vivant en territoire mongol à la construction et à la décoration de temples. Des ateliers de peinture et de sculpture mongole apparaissent, sans doute formés par les Chinois et des Tibétains, tandis que les moines eux-mêmes apprenaient dans leur cursus religieux des notions de peinture et d'architecture. Certains devinrent des artistes célèbres et totalement polyvalents en peinture, et sculpture comme en construction de temples et de stûpa, tel le célèbre Zanabazar. D'autres, s'ils n'étaient pas artistes, étaient capables de diriger des chantiers et de passer des commandes en vérifiant le respect strict de l'iconométrie bouddhique.
La peinture et la statuaire en bois, en pierre, en terre et en papier-mâché était généralement une production locale : des moines formés à la peinture décoraient les murs et réalisaient des thangkas, et l'on commandait à des orfèvres mongols, souvent itinérants à l'intérieur des bannières, la vaisselle et les objets rituels. Ces artisans vivaient principalement de leurs troupeaux et recevaient des dons de nourriture en échange de leurs œuvres, l'art étant traditionnellement une activité domestique d'appoint pratiquée à la commande.
Les sources révèlent que les nombreux charpentiers et menuisiers itinérants, ainsi que nombre d'orfèvres, forgerons et peintres étaient chinois. Ces artisans semblent avoir été particulièrement nombreux en Mongolie-Intérieure, et sont peut être les auteurs des grandes peintures murales de style sinisant réalisées dans une dizaine de temples de Höhhot et de la région au XVIIe siècle. La demande croissante de la part des monastères, mais aussi des particuliers, moines et laïcs, en icônes pour leurs autels, dut inciter les artisans chinois à se tourner vers ce nouveau marché en pleine expansion. La concurrence des œuvres fabriquées par les artisans chinois a-t-elle fait décliner une production domestique ?
Par ailleurs, la grande statuaire en cuivre et en bronze exige un haut degré de spécialisation et la participation de nombreux artisans, et s'accommode mal avec le nomadisme pastoral. Dès le XVIIe siècle apparaissent des ateliers organisés en corporations dans les villes de Höhhot et de Dolonnor, fondés par des Chinois venant souvent du Shanxi. Rapidement leur production s'exporte dans toute la Mongolie, la Bouriatie et même la Chine et le Tibet, concurrençant les grands ateliers de Pékin. La statuaire fait ainsi l'objet de commerce et d'échange dans toute l'aire d'influence tibétaine. Du XVIIIe au début du XXe siècle, Dolonnor reste le principal centre de production et d'exportation, tandis que se forment des écoles plus locales, comme celle d'Ourga à la fin du XIXe siècle.
A l'exception des peintures murales, le corpus d'œuvres mongoles conservées dans les monastères et les musées est hétéroclite en raison de la grande mobilité des œuvres : les statues fabriquées au Tibet y côtoient des pièces venant de Chine et de toute la Mongolie, si bien qu'il est difficile d'établir une typologie de cet art généralement qualifié de “ sino-tibétain ”.
Fichier principal
Vignette du fichier
2007_Peut-on_parler_d_art_mongol.pdf (366.63 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...

Dates et versions

halshs-00277399 , version 1 (06-05-2008)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00277399 , version 1

Citer

Isabelle Charleux. Peut-on parler d'art mongol ? : Icônes et monastères de Mongolie du XVIe au début du XXe siècle. Flora Blanchon. La Question de l'art en Asie orientale, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, pp.303-329, 2008. ⟨halshs-00277399⟩
215 Consultations
1014 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More