Tunisie 2002 : un référendum pour quoi faire

Eric Gobe (1)

1 IREMAM - Institut de Recherches et d'Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans

En Tunisie, l'année 2002 est marquée du sceau de l'ambivalence. Elle semblait se présenter sous les meilleurs auspices pour le régime de Ben Ali, les attentats du 11 septembre 2001 apparaissant comme du pain bénit. En effet, en revitalisant le rôle du président Ben Ali comme allié de choix dans la lutte contre le terrorisme islamiste, ces attentats ont fait passer au second plan la défense des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ont revivifié la fonctionnalité de l'appareil répressif de l'État tunisien. Le pouvoir benaliste a profité de ce nouveau contexte international pour faire approuver rapidement par référendum une réforme de la Constitution qui « accentue jusqu'à la caricature le caractère présidentialiste du nouveau régime » . Mais l'adoption du projet d'amendement constitutionnel, bien qu'ayant levé l'obstacle juridique à la candidature du président Ben Ali en 2004, ne préjuge pas de la capacité du pouvoir politique à mobiliser le consensus dans cette perspective. En effet, le compromis social sur lequel s'appuie le régime pourrait être ébranlé par une situation économique difficile. Le taux de croissance qui n'était jamais descendu sous la barre des 4 %, a chuté à 1,9 % en 2002 . La sécheresse qui a touché le pays pour la quatrième année consécutive a frappé de plein fouet une agriculture qui représente encore 16 % du PIB, en dépit de la diversification de l'économie tunisienne. Les attentats du 11 septembre et celui perpétré contre la synagogue de Djerba, au mois d'avril, ont contribué à faire chuter une activité touristique comptant pour 7 % dans le PIB . Mais pire encore, par delà la conjoncture, la Tunisie paraît confrontée à une remise en cause de son modèle de capitalisme hybride largement financé par l'argent public. Or, le pouvoir benaliste a largement construit sa légitimité en faisant valoir une réussite qui allierait « stabilité politique, progrès social et prospérité économique ». Ne pas tenir ensemble les termes de cette équation pourrait s'avérer politiquement déstabilisant à l'approche des échéances électorales de 2004.

Mots clés: Tunisie; autoritarisme; référendum; opposition; média; droits de l'Homme

Domaines: Science politique

Eric Gobe. Tunisie 2002 : un référendum pour quoi faire. Annuaire de l'Afrique du Nord, 2004, Tome 40, p. 381-413. ⟨halshs-00138224⟩