" L'apprenti-sujet " - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2003

" L'apprenti-sujet "

Résumé

La notion de sujet est examinée par le biais de l'acquisition du pronom de première personne qui désigne le sujet de l'énoncé et le sujet énonciateur, et les identifie l'un à l'autre. Dire "je" c'est être capable d'avoir la même marque pour désigner l'agent et le support de pensée. Pour cela, il faut se dégager à la fois de l'un et de l'autre. Cette mise à distance se fait notamment à travers un décrochage par rapport à l'actualité que l'on peut appeler récit, accompagné, pendant une certaine période de l'acquisition d'une marque de rupture entre le sujet-énonciateur et l'objet du discours: le pronom de troisième personne.
Des analyses détaillées d'extraits de corpus ou « saynètes » nous permettent de mieux comprendre les emplois des auto-désignations que font les enfants et en particulier les emplois de la troisième personne dans le récit autobiographique.
En étudiant systématiquement les énoncés à la troisième personne d'un petit garçon francophone entre deux et trois ans, on constate que l'enfant a recours au il seulement quand il est dans une situation de récit qui suppose la mise en mot d'une sorte de projection cinématographique des évènements qui se re-déroulent dans sa tête. Les images qu'il revoit provoquent le même sentiment d'altérité que l'image de soi dans le miroir ou sur une photo. Or on sait qu'à la même époque, l'enfant ne se désigne pas en disant je ou moi quand il parle de son reflet dans le miroir ou sur une photo mais par son prénom et la troisième personne.
Autour de trois ans, l'enfant n'emploie plus que « je » pour se désigner, à la fois dans le récit et dans le discours. A la fin du processus d'acquisition l'enfant conjoint donc ses rôles de narrateur et de héros en faisant des récits autobiographiques à la première personne. La mise en place du marqueur je qui a un rôle de cohésion entre différentes dimensions du langage passe donc par une disjonction. Ce processus permettra à l'enfant de s'approprier la parole de l'autre, notamment celle de sa mère qu'il reproduit en parlant de lui comme s'il était l'autre, il peut ainsi se regarder être et se raconter comme devant un miroir ou un film. Cette disjonction doit cependant être suivie d'une conjonction qui permet à l'enfant de souligner sa part d'écart par rapport à la consensualité qui a rendu le dialogue possible, de se dégager de l'autre et de sa parole et de faire entendre sa propre voix.

Domaines

Linguistique
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halshs-00117982 , version 1 (03-12-2006)

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  • HAL Id : halshs-00117982 , version 1

Citer

Aliyah Morgenstern. " L'apprenti-sujet ". Jean-Marie Merle. Le sujet, Ophrys, pp.307-318, 2003, Bibliothèque de Faits de Langues. ⟨halshs-00117982⟩
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