Les usages du temps libéré - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Ouvrages Année : 2004

Les usages du temps libéré

Résumé

Notre recherche sur les usages du temps libéré s'est insérée dans le programme du pôle travail-négociation-temps du CERTOP (UMR 5044 du CNRS). Elle avait comme objectif de réunir un certain nombre de chercheurs autour de la question des usages du temps. Il s'agissait d'une part de faire un bilan sur l'usage des formes d'apparition du temps libéré du travail et il s'agissait d'autre part de contribuer au renouvellement des méthodologies d'analyse des temps sociaux. Nous avons donc engagé une recherche à trois volets examinant trois formes temporelles du temps libéré : les 35 heures, le temps partiel et la retraite.
La première recherche nous conduit dans l'univers de la production aéronautique. En interrogeant les salariés de deux entreprises sur ce thème, nous avons tenté de retracer l'espace de leurs représentations temporelles. C'est-à-dire nous avons voulu savoir ce qui préside leur choix et leur positionnement individuel sur le temps de travail. Pour ce faire nous avons traité par logiciel plusieurs centaines de pages d'entretien par une analyse du discours et par une analyse factorielle des correspondances. Le résultat de ce traitement montre que l'espace des représentations temporelles comporte trois dimensions : la première concerne la tension entre les contraintes professionnelles et le bien-être personnel, la seconde renvoient les représentations aux contextes locaux fournis par les deux entreprises et la troisième dimension nous renvoie à l'opposition entre rythme individuel et rythmes collectifs. De manière générale et du point de vue des représentations, nous constatons que les 35 heures n'ont pas permis de réduire l'opposition entre vie professionnelle et vie privée. Il nous semble plutôt que l'analyse nous indique une recherche d'une individualisation, synonyme d'une recherche d'autonomie temporelle en dehors de la négociation collective incarnant la soumission aux contraintes professionnelles.
La seconde recherche nous emmène vers les usages du travail à temps partiel, davantage centré sur les pratiques d'investissement du temps libéré. Il s'agissait d'accompagner les individus dans une description de leur emploi du temps à l'aide de carnets remplis avec l'enquêteur. Ces carnets permettent d'une part de retracer l'ensemble des activités tout en laissant un espace d'expression à la formalisation choisie par nos interlocuteurs. Le carnet et la manière de le remplir fournissent d'autre part le cadre à un entretien approfondi sur les pratiques temporelles. Le choix des individus à temps partiel inclut ici des professions comme les caissières, mais aussi des enseignants, des infirmiers et les professions libérales. Le résultat principal de cette démarche constitue des manières de « vivre » le temps partiels, appelées les « chrono-styles » reprenant la formule de Baudrillard à propos des socio-styles. L'analyse a fait émerger quatre chrono-styles du travail à temps partiel : le temps de la parentalité, le temps du multi-investissement, le temps pour soi et le temps de la vocation. Au total les chrono-styles montrent la diversité des approches du temps partiel loin de la victimisation traditionnelle de ces emplois. Le travail à temps partiel nécessite néanmoins à chaque fois une recomposition de l'emploi du temps par les individus. A défaut de cette recomposition essentielle, le vécu du temps libéré induirait des chronopathies.
Notre dernier volet nous amène à l'analyse du passage à la retraite. A l'aide d'entretiens biographiques nous avons suivi 10 personnes pour comprendre ce qui se joue du point de vue des temporalités sociales au passage à la retraite. Nous avons vu dans tous les cas que la rupture que représente le passage à la retraite, est précédée par des ruptures antérieures, repérables dans les trajectoires de vie : mise cause professionnelle, mort d'un proche, divorce, déménagement. Bien que la retraite représente l'exclusion définitive de la sphère professionnelle, nos interrogés ont appris à gérer les ruptures de trajectoires dans le passé. La situation n'est donc pas complètement nouvelle. Si elle l'est, les retraités ont néanmoins des ressources et des savoirs disponibles pour gérer le passage à la retraite. Il n'est donc pas étonnant que nous nous retrouvions avec des personnes dynamiques, maintenant une diversité d'activités lors de leur passage à la retraite. On assiste chez tous à l'expression d'un sentiment de liberté en opposition avec la contrainte du temps de travail. Il s'agit bien d'un moment «souhaité », d'une véritable libération des contraintes professionnelles.
Néanmoins nous constatons aussi une difficulté de vivre cette liberté selon des modèles différents d'une articulation entre les temps sociaux centrée sur le temps de travail. En effet, nous pouvions avoir l'impression que certaines des activités effectuées ont pour le sujet le sens d'une activité de « remplissage », d'une « peur du vide » même en effectuant des activités associatives « socialement reconnues ».
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Dates et versions

halshs-00112434 , version 1 (08-11-2006)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-00112434 , version 1

Citer

Jens Thoemmes, Claire Thébault, Jean-Pierre Rouch, Michel Escarboutel. Les usages du temps libéré. Ministère délégué à la recherche, 2004. ⟨halshs-00112434⟩
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